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mercredi, 09 février 2022

PLACE AUX ÉNERGIES RENOUVELABLES !!!

UN GROS MENSONGE

Répartition quantitative des différentes sources d'énergies fossiles dans la consommation globale de l'humanité. 

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On voit dans ce tableau quelle place occupent les matières fournies par la Nature pour permettre à l'humanité de se chauffer, de s'éclairer et de produire toutes sortes de biens en alimentant toutes sortes de moteurs. Tout le monde ou presque aujourd'hui s'accorde à dire que cette consommation est suicidaire à plus ou moins long terme, et que l'avenir de l'humanité (la planète, il n'y a pas à s'inquiéter pour elle, elle s'en tirera toujours) repose sur les énergies renouvelables. En théorie, dans l'absolu, dans l'idéal et dans le monde fabuleux de nos rêves, de nos désirs et de notre besoin de merveilleux, c'est absolument vrai. Mais jetez un œil sur le tableau ci-dessous.

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Regardez, tout en haut du graphique, les trois pauvres petites virgules où s'entassent, grossies par le dessin dans leur case exiguë, les parts de l'éolien, du solaire et des "autres renouvelables".

Dans la réalité réelle, vous savez, celle sur laquelle on se cogne et qui fait mal, c'est une autre paire de manches à air, comme le montre cet excellent graphique conçu par Jean-Marc Jancovici (solide ingénieur — Télécom,  Polytechnique et quelques autres casquettes, s'il vous plaît —  spécialiste des énergies) et dessiné par Christophe Blain (merci à Fred, qui me l'a fourni) dans la BD très instructive Le Monde sans fin (Dargaud, 2021). Encore le dessinateur a-t-il pris soin de coller une grosse loupe sur la part des énergies renouvelables dans la consommation générale. Ça relativise sacrément la portée des déclarations exaltées des écologistes et des politiques qui leur courent après. Et ça ressemble sacrément à un gros mensonge de la part de tous ceux qui connaissent la question (ils commencent à être nombreux).

On comprend d'un seul coup d'œil l'Himalaya, que dis-je : l'empilement des Everest d'investissements qu'il faudrait faire pour donner aux renouvelables la part que nous rêvons de leur accorder. On comprend que NON, ce n'est pas ainsi que cela peut se passer. La seule façon de fournir à l'humanité la possibilité d'un peu d'avenir, elle est dans la baisse radicale de la consommation d'énergie. Le rationnement. Et ce n'est pas tout de le dire : il faut envisager les conséquences de cette assertion.

Elles sont simples : il ne suffit pas, comme certains le disent, de préconiser la sobriété, les "entreprises à mission" (je rigole !), la construction de logements à "énergie positive" ou ces fumisteries que constituent le "développement durable" ou la "croissance verte". Il faut que l'humanité, après deux siècles de gabegie, de gaspillage et de dilapidation des richesses sous les coups de la production industrielle effrénée et de la recherche effrénée du profit, cesse dès maintenant de se repaître des entrailles de la planète.

Il faut que tous les gens importants qui causent dans le poste et qui persistent à se payer de mots, cessent de beurrer la tartine aux populations à coups de lendemains meilleurs et d'avenir radieux. Il faut arrêter de faire de la consommation la condition sine qua non de notre bonheur. Il faut que l'humanité se résigne à redevenir pauvre devant la nécessité. Il faut que l'humanité retrouve le sens du tragique de l'existence et de sa précarité. Mais, à notre époque où le désir individuel impose sa tyrannie, où chaque désir ouvre un droit, où chacun érige son propre désir en loi, qui a envie de ça ? Levez la main, les volontaires.

La lutte contre le réchauffement climatique ? Moi je veux bien, et encore : pas sûr. Parce que si, comme je le crois, cela passe par des privations coûteuses et par le renoncement à consommer de l'énergie à tout-va pour préserver ma zone de confort et de facilité, je vais y regarder à deux fois. Et je suis sûr de ressembler en cela à l'immense majorité des gens ordinaires à qui, à longueur d'ondes radio, d'images et de papier, les journalistes et un paquet de bouches "autorisées" (par qui ?) tiennent des propos vertueux ou donnent des leçons de "tri sélectif des déchets". 

Comment croyez-vous que réagiront les masses de population si on leur coupe le courant et l'essence qui alimentent leurs moteurs (thermiques, électriques et autres) plus ou moins gros ? S'ils se voient contraints de remplacer ces carburants par du travail ? On ne se rend pas trop compte de ce que ça signifie, les conséquences qu'entraînera la lutte effective et efficace contre le réchauffement climatique : l'abandon progressif ou brutal de la puissance fournie par l'électricité ou les autres carburants qui nous épargnent des efforts qui apparaissaient nécessaires à nos ancêtres. Qui est prêt à remplacer l'ÉLECTRICITÉ par du TRAVAIL ? Je le dis sans honte : pas moi.

Voilà ce que je dis, moi.

Note : des nouvelles de cette chatoyante question quand j'aurai achevé la lecture d'un livre qui, selon toute probabilité, n'est guère fait pour remonter le moral.

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mardi, 09 novembre 2021

COP-26 - GRETA THUNBERG : MÊME BLA-BLA

DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE : LE "BLA-BLA" UNIVERSEL.

Ils sont tous bien gentils, ces gouvernements, ces dignitaires, ces chefs d'Etat qui se rassemblent pour engager solennellement la responsabilité de leur pays dans la lutte contre le vilain CO², contre le très vilain CH4, et signer quelques papiers avant de retourner chez eux. Mais c'est vrai aussi qu'ils sont tous bien sympathiques, ces manifestants qui n'en dorment plus de la nuit de se faire du souci pour le climat et en veulent beaucoup aux précédents parce tout ça leur file des insomnies et des brûlures d'estomac. C'est vrai qu'il faut leur secouer les puces, aux puissants de ce monde qui ne font rien ou si peu pour que la température globale moyenne du globe ne grimpe que de 1,5° Celsius.

C'est vrai — tout le monde le sait — que si on laisse filer le thermomètre, il ira se promener 2,7° C (certains disent 4° ou 5° et pourquoi pas plus ?) au-dessus d'aujourd'hui. Et alors le processus deviendra irréversible, avec son cortège de phénomènes météo extrêmes de plus en plus dévastateurs, et de migrations climatiques de masse.

C'est du moins ce que prédisent les spécialistes du climat réunis au sein du GIEC, vous savez, la très sérieuse société presque anonyme de scientifiques dont plus personne n'ignore aujourd'hui l'existence, l'expertise, l'expérience et l'autorité en matière de prévisions climatiques.

Je ne doute absolument pas de l'exactitude des données, de la pertinence de leur interprétation et de la certitude des conclusions que ces milliers de spécialistes en tirent. Ils ont raison de tirer le signal d'alarme (à défaut des oreilles des puissants). Donc, lors de la COP-26 à Glasgow, ce sont les gouvernants qui sont mis en accusation du fait de leur inaction criminelle par les manifestants emmenés par la sémillante Greta Thunberg.

Jusqu'à ce que je l'entende sortir de cette bouche juvénile, je croyais que "bla-bla-bla" était une onomatopée typiquement française. Je suis bien d'accord avec elle : tous ces chefs de quelque chose causent, causent, c'est tout ce qu'ils savent faire.

Remarquez qu'on en entend parfois de drôles, émanées de cette grosse assemblée. J'ai clairement mémorisé cette phrase prononcée fièrement par je ne sais quel responsable : « Il est temps de tenir les promesses et de mettre tout ça sur le papier ! ». De telles affirmations redonneraient le moral aux plus maussades, n'est-ce pas ? 

Donc parlons du "bla-bla-bla" que dénonce avec raison la petite Greta, cette petite sirène à la suédoise que tous les médias du monde s'arrachent. Ouais, parlons-en. Mais qu'est-ce qu'elle fait d'autre que du "bla-bla", la prêtresse Greta ? Elle engueule, elle vaticine, elle fait la morale, elle s'en prend à ceux dont on croit qu'ils tiennent les manettes, mais à la fin des fins, qu'est-ce qu'elle fait, si ce n'est pas causer, causer, causer, tout en désignant ceux qui, selon elle, sont les coupables ? Mais coupables de quoi ? De ne rien faire ? Ah, c'était donc ça ? Mais c'est là que ça devient couillon de les accuser ! Car il y a une solution à la catastrophe annoncée du dérèglement climatique, une seule : la diminution drastique du pillage des ressources et de la consommation d'énergie. 

Moi je dis que ça ne sert à rien d'interpeller, voire de faire condamner des gouvernements, des puissants ou des autorités : c'est la civilisation qui est coupable. Reprenons le raisonnement : à qui ou à quoi est-il dû, le réchauffement climatique ? C'est très simple : il est dû à toi, il est dû à moi, il est dû à nous tous qui achetons des trucs et des machins pour satisfaire nos besoins plus ou moins primaires, plus ou moins secondaires, etc. Il est dû à eux tous qui se démènent pour satisfaire nos besoins primaires, secondaires, etc. quand ils n'accourent pas au-devant à coups d'arguments publicitaires.

Il est dû à ma voiture, à mon frigo, à ma chaudière, à mon lave-vaisselle, etc. Il est dû à ce qui s'est imposé aux Occidentaux comme le mode de vie désirable parce qu'il leur apportait du confort, de la facilité au quotidien, bref : parce que ce mode de vie a progressivement mais massivement transféré la pénibilité du travail de l'homme vers la machine par l'utilisation généralisée du moteur et de diverses sources d'énergie jusqu'au fond de la forêt de nos milliers de gestes ordinaires. Vous imaginez s'il fallait maintenant faire l'opération inverse ? Transférer les tâches des machines vers le travail humain ? Vous vous voyez, la vaisselle et la lessive à la main ?

Tant qu'on n'aura pas vaincu dans l'esprit de l'humanité cet avantage de facilité qu'offre l'usage permanent de machines, d'automatismes et d'énergies que nous ne percevons même plus dans le moindre de nos gestes de la vie concrète tant c'est devenu "naturel", c'est toute l'humanité qui décidera par ses actes que la température du globe doit continuer à grimper de façon déraisonnable. Tant qu'on n'aura pas convaincu l'humanité que la seule issue de secours est de revenir au travail sans les machines, celle-ci votera par ses actes pour le réchauffement, c'est-à-dire contre le refroidissement. Je souhaite bien du plaisir à qui entreprendra pour de bon de convaincre l'humanité de RENONCER à ce que l'humanité a inventé pour améliorer son bien-être et ses conditions de vie.

Tiens, il se trouve que je n'ai personnellement aucune envie de revenir au temps d'avant les machines, les moteurs, tous ces outils magiques où il suffit d'un bouton à actionner pour que la tâche ingrate se réalise de ma part. Et non seulement je ne suis pas le seul à raisonner ainsi, mais à part quelques radicaux illuminés qui refusent que leur maison soit reliée à quelque réseau électrique (il y en a une petite tribu quelque part en Ariège), je crois que c'est l'humanité entière qui demande à toutes les sources d'énergie et à toutes les machines possibles de la décharger du fardeau des travaux pénibles, et même de lui procurer des satisfactions jusque dans des domaines considérés jusque-là comme superflus. Qui est prêt à lâcher ces merveilleuses trouvailles ? Il est là et pas ailleurs, le nœud de l'intrigue.

Elle est là, la quadrature du cercle dans lequel évoluent gouvernants et défenseurs du climat : d'une part les politiques savent qu'ils sont assis sur des sièges éjectables (au moins dans nos "démocraties"), et que s'ils prennent des mesures qui défrisent trop ceux qui les ont mis là par leur vote, c'en est fini pour eux, de la vie dans les palais de la République : les électeurs qui veulent se priver de la voiture, du lave-linge, du lave-vaisselle et de quelques autres commodités offertes (façon de parler, bien sûr) par la société de consommation existent sûrement, mais à l'état d'écrasante MINORITÉ.

Car d'autre part, les populations ordinaires et laborieuses n'ont aucune envie de modifier quoi que ce soit à leur façon de vivre et de consommer. Au contraire : elles attendent de l'avenir qu'il leur facilite de plus en plus l'existence. Vous n'avez qu'à voir comment elles ont accueilli certaines décisions "surprenantes" prises par le maire écolo de Lyon nouvellement élu. Non seulement je les comprends, mais je les approuve : j'en fais partie. Tous ces objets indispensables, et même tous ces objets pas très utiles voire superflus mais agréables qui meublent nos intérieurs, s'il fallait les remplacer par du TRAVAIL, vous vous rendez compte de la révolution à l'envers ? Ne plus faire jaillir la lumière en appuyant sur un bouton ? Couler l'eau potable en actionnant le robinet ? 

Le voilà, le paradoxe. La voilà, la grande contradiction. Le piège ignoble dans lequel toute la civilisation de technique, de production et de consommation a fourré l'humanité : ce sont toutes les activités qui permettent à chacun de vivre plus ou moins agréablement et confortablement (selon ses moyens) qui font grimper la production de CO² et la température de l'atmosphère. La conclusion n'est pas difficile à tirer.

Ceux qui tiennent les manettes, même les plus conscients des enjeux, même les mieux intentionnés, sont piégés : soit ils font la course de lenteur pour les prises de décisions, soit ils dégagent. Quant aux militants, dont des armées tous les jours plus nombreuses se lèvent pour les engueuler, les admonester et les accuser de "bla-bla-bla", de deux choses l'une : soit ils sont aveugles et ne se représentent pas toutes les conséquences de ce qu'ils réclament de leurs dirigeants, à savoir une baisse radicale de la consommation d'énergie, donc de la production de biens matériels, et l'instauration d'un monde de sobriété radicale ou d'ascétisme contraint (rayer la mention inutile) ; soit ils mentent.

Les ingénieurs et autres illuminés font d'incroyables efforts d'imagination pour biaiser avec l'issue fatale. Ils travaillent joyeusement à "augmenter" l'humanité, soit en inventant des oxymores du genre "développement durable", soit en développant les sources d'énergie renouvelables (vent, soleil, géothermie, ...), soit en mettant en place des stratégies encore plus folles de maîtrise des paramètres du climat (géo-ingénierie).

Leur seul objectif : maintenir constante et infinie la courbe ASCENDANTE des activités humaines, c'est-à-dire maintenir la courbe ascendante de la croissance, c'est-à-dire du système actuel de production-consommation-finance, c'est-à-dire du pillage des ressources et de l'incessante recherche de sources d'énergie. Vous les voyez, les pouvoirs en place, trembler rien qu'à l'idée de ce dont seraient capables les peuples qu'ils gouvernent s'ils venaient à leur promettre toutes sortes de rationnements, de restrictions et de privations pour se faire réélire ? Tout porte à penser que les populations ne supporteraient pas cette Vérité sur le climat et se précipiteraient dans les palais du pouvoir pour leur donner une fessée.

La Vérité, c'est qu'un jour viendra où il leur faudra SE RESTREINDRE, y compris les plus ardentes aujourd'hui à réclamer des gouvernants de vraies actions contre le réchauffement climatique. Et tout laisse à penser que le jour où elles se rendront compte qu'elles ne peuvent pas faire autrement que de se passer de tout un tas de trucs et de machins dont elles ne peuvent pas se passer aujourd'hui, elles risquent de le prendre très mal. Et ça risque de faire de gros dégâts. Je ne suis ni Madame Soleil, ni Nostradamus, ni Madame Irma, mais il me vient de cet avenir-là des odeurs de violence.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 08 janvier 2020

2020 : TOUT FLAMBE !

Voici ce qu'on peut lire en page 16 du journal Le Monde daté 7 janvier 2020.

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Et voici ce qu'on peut lire en page 15.

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En 2020, nous sommes prévenus, TOUT FLAMBE.

Le recto et le verso d'une médaille qui, sans avoir une existence officielle, constitue la signature d'une époque suicidaire. Le paragraphe que je préfère, dans cet article signé Isabelle Dellerba, c'est celui qui clôt l'avant-dernière colonne : 

« "Ce n'est pas un feu de brousse, mais une bombe atomique. Il cause un enfer, des dévastations indescriptibles", déclarait, samedi 4 janvier, sur la radio ABC, Andrew Constance, ministre des transports de l'Etat de Nouvelle-Galles du Sud, qui a défendu lui aussi sa propriété contre les braises. Les incendies sont tellement gigantesques qu'ils créent des nuages. Ceux-ci provoquent à leur tour des orages et des éclairs qui peuvent déclencher de nouveaux brasiers ».

L'époque a inventé l'incendie irréversible, celui qui crée de façon autonome les conditions de son indéfinie prolongation. Et je pense à cette observation d'un climatologue : si l'humanité ne parvient pas à contenir le réchauffement climatique sous la barre des 2,5°C, un seuil sera alors franchi, qui mettra le phénomène hors de contrôle. Autrement dit, si l'humanité ne devient pas raisonnable, on ne sait pas où s'arrêtera le processus de réchauffement, ni à quelle vitesse il se déroulera.

Observons que toute la partie Sud-Est de l'Australie est, comme par hasard, la plus peuplée et la plus urbanisée. Je ne sais pas dans quelle mesure est vraie l'idée que les forêts natives de ces régions ont été remplacées par des forêts d'eucalyptus, beaucoup plus rentables, mais infiniment plus inflammables.

Ce dont je suis sûr, en revanche, c'est que l'action de l'homme sur la nature est à l'origine de la catastrophe qui touche l'Australie.

Et je ne parle pas de l'obsession charbonnique du gouvernement qui, pour développer cette filière, envisage sans sourciller d'un sourcil de favoriser une industrie minière qui menace l'existence de la célèbre et fragile "Barrière de Corail".

Note : je signale qu'on trouve dans le journal Le Progrès la confirmation du fait que les températures à Lyon se sont, en un siècle, élevées de plus de 3°C. Alors je me demande, s'agissant de l'objectif mondial d'une augmentation maximum de 2,5°C, dans quel conte de fées les gens "au courant" ont l'intention de tenir le petit petit peuple.

Quand les gens qui tiennent les manettes cesseront-ils de mentir ?

mardi, 17 décembre 2019

TYPHON JAPONAIS

Pour mon calendrier de l'Avent.

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Que c'est beau, les éléments déchaînés !

« Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René sur les rivages d'une autre vie ! » (cité de mémoire).

mardi, 24 septembre 2019

LA CAUSE ÉCOLOGISTE RIDICULISÉE ...

... PAR SES PROPRES MILITANTS.

S’agissant d’écologie, je suis terrifié. Il y a bien des raisons pour que l’affolement me gagne, mais la dernière n’est pas la moins bonne. Je vous explique. Je traitais ici même, le 24 juillet dernier, la petite Greta Thunberg de clown. Le 22 septembre, j’ai non seulement récidivé, mais aggravé mon cas, en m’apitoyant sur la santé mentale et la maturité affective du rédacteur en chef du journal Le Progrès, qui avait laissé passer ce titre de « une » surréaliste : « Les enfants au secours du monde ».

J’intitulais mon billet : « L’écologie devient une farce ». Je me disais que la cause écologique, en se popularisant au point d’accaparer l’attention des journaux, l’œil des radios, l’oreille des télévisions, le trou du cul des réseaux sociaux et même le neurone que des partis politiques en déroute mettent en commun aux moments de crise, faute de ressources propres, – que la cause écologique, disais-je, tout en entrant dans les discussions des familles réunies autour de la table, risquait de se muer en un grand n’importe quoi. Comme aime à le dire Alexandre Vialatte : « même une chatte n'y reconnaîtrait pas ses petits ». C’est en train de devenir chose faite.

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Pauvre climat ! Cela s'appelle "lui faire sa fête".

J’en veux pour preuve le titre et la photo qui annoncent l’article du Progrès du dimanche 22 septembre où Marie Redortier (qui a pris la photo ci-dessus) rend compte de la « marche pour le climat » qui a eu lieu la veille à Lyon. Le titre d’abord : un slogan sans doute piqué sur une banderole du défilé ou un slogan vaillamment scandé au mégaphone : « Macron, si t’es champion, arrête la pollution ! ». Je vous le dis en face : je suis terrassé par l’épaisseur de la bêtise de l’injonction. Le meilleur moyen d'empêcher de prendre la cause écologique au sérieux. Il faut en finir avec la dérision. Macron doit bien rigoler à ce spectacle, et se dire qu'il n'y a rien à craindre de toutes les manifs de bouffons. Avec les gilets jaunes, c'est une autre paire de manche (il envoie un peu plus de policiers).

Cette bêtise me fait penser à un sketch ancien de Raymond Devos : « Dieu ! Si tu existes, envoie-moi un signe ! ». Sauf qu’ici, je n’arrive pas, même à la jumelle, à voir le bout de la queue d’un poil d’oreille de l’humour propre à maître Devos. Quel geste magique l’auteur du slogan attend-il de Macron ? Mystère. Il veut que Macron marche sur les eaux ? Sur les mains ? Sur la tête ?

On me dira : c’est le propre d’une « manifestation bon enfant ». Je répondrai : « Est-ce que ça enlève quoi que ce soit à la connerie de la chose ? Y en a marre des manifs "bon enfant" ». Il faut de l’humour ? Mais ceux qui sont en face, vous croyez qu’ils en ont, de l’humour ? On me dira : « Il faut bien de la com', c'est pour les journaux, c'est pour la télé ». Je répondrai : « Faire de l'écologie un objet de com', ça revient à la fusiller ». 

Quoi qu'en dise Edward Bernays (Propaganda, éd. La Découverte, disponible et pas cher), ce n'est pas par une « stratégie de com' » qu'on convaincra les masses de cesser d'être consommatrices. Et je suis franchement d'accord avec moi (c'est mon opinion et je la partage, disent les Dupondt) : tout ce qui est bon pour la croissance est ruineux pour la nature (la preuve est faite), et tout ce qui est bon pour la nature est ruineux pour la croissance, donc mauvais pour l'économie, détestable pour le travail et haïssable pour l'emploi. En quelle langue faut-il l'écrire ? L'économie capitaliste est l'ennemie radicale de la préservation de la nature. J'ajoute que malheureusement ce sont l'économie capitaliste, le travail capitaliste, l'emploi capitaliste qui gouvernent le monde et qui tiennent l'humanité à la gorge. Quel prix faudra-t-il payer pour les mettre à bas ?

Je l'ai dit il y a quelque temps : l'écologie est par nature anticapitaliste. Comment convaincre les masses laborieuses des pays riches que la croissance – qui leur donne de l'emploi, de l'argent, du confort, une vie meilleure –, c'est bon pour l'emploi (et encore), mais horriblement mauvais pour la nature, la planète et la santé ? Comment les persuader d'adopter l'écologie qui, si l'humanité se décide à l'accomplir, vouera l'humanité à plus de travail (ben oui!), moins de confort et plus d'insécurité ? Comment leur fera-t-on admettre que, plus elles conformeront leurs pratiques quotidiennes à des normes inspirées de la nature, plus la croissance démographique des populations de la planète les obligera à se retreindre en tout, pour que l'existence de l'humanité globale soit préservée ?

Après le titre, la photo. Ce qui crève le cœur, l’écran, les yeux (et en passant, le plafond de la stupidité), c’est évidemment le nez rouge, dont se sont affublés les joyeux drilles qui disent qu'ils « luttent contre le réchauffement climatique ». Je ne savais pas qu’il fallait un nez rouge pour faire baisser la température. Et j’étais à au moins cinq kilomètres et demi (une petite heure de marche) de penser que quelqu’un prendrait à ce point mon idée de « clown » au pied de la lettre.

Le coquelicot, vous savez, celui que Fabrice Nicolino a lancé en même temps que sa campagne contre les pesticides, le coquelicot a beau être une belle idée, ça ne l’a pas empêché de faire un énorme flop médiatique. Alors vous pensez, un nez rouge !!!!!! C’est pire que la cravate de travers de l’orateur enflammé ou du candidat qui se laisse interviewer en gros plan avec une tache de jaune d’œuf sur sa chemise ou un reste de laitue sur une incisive. Et ces clowns ne font rire personne. Et eux-mêmes font semblant, comme tous les clowns.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 22 septembre 2019

L'ECOLOGIE DEVIENT UNE FARCE

Une farce qui ne me fait pas rire.

Si la population du monde soucieuse de son avenir voulait démontrer qu'en réalité elle n'en a rien à foutre, la "une" du Progrès du vendredi 20 septembre 2019 en apporterait, sinon une preuve irréfutable, du moins un témoignage probant. L'air du temps, il est là : la vérité sort de la bouche des enfants. Les adultes sont disqualifiés d'office, les enfants sont portés au pinacle. Le spectacle de cette grappe de "grandes personnes" agrippées aux nattes pas si blondes du petit clown suédois qui fait la leçon au monde entier me laisse stupéfait.

Regardez-les tous : ils sont armés d'appareils à la pointe du progrès technique (en haut, sauf erreur, un capteur de sons sophistiqué) pour enregistrer la présence et le message d'une petite marionnette céleste venue ici-bas prêcher la bonne parole. A en lire son gros titre de "une", le journal Le Progrès n'est pas le dernier des groupies à s'agenouiller devant l'idole : où le rédac'chef est-il allé chercher une telle ânerie ? J'en suis encore tout baba déconfit.

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Un monde qui se prosterne devant un enfant ne fait que s'accrocher au pinceau pendant que la dure réalité enlève l'échelle. Pour gage de leur bonne foi, la première chose à demander aux extasiés de la petite Greta Thunberg serait de jeter leurs smartphones, ces magasins de terres rares tellement difficiles à seulement recycler vu la complexité de leur fabrication.

Plus généralement, il faudrait leur demander desquels des éléments de confort domestique que leur a vendus – au prix de leur travail – notre flambant progrès technique ils seraient prêts à se priver : c'est à ce genre de sacrifices qu'on pourrait mesurer la sincérité et l'authenticité de leur engagement contre le réchauffement climatique.

Qu'en est-il des centaines de milliers, peut-être des millions de gens qui participent aux si sympathiques "marches pour le climat" à travers le monde ? Ils ne font que gesticuler. Se rendent-ils seulement compte des conséquences qu'auraient sur leur mode de vie les décisions qu'ils somment à grands cris de prendre les gouvernants et dirigeants de la planète ?

Il y a de fortes chances pour que, si ces puissants prenaient les seules décisions qui s'imposent logiquement, tous ces "marcheurs" se lanceraient aussitôt dans des insurrections violentes contre cette agression caractérisée (voir l'origine des gilets jaunes). Ce qu'ils disent en réalité, c'est quelque chose du genre : « Faites quelque chose, mais surtout sans toucher à notre mode de vie ». C'est demander tout et le contraire de tout, puisque c'est précisément le mode de vie à l'occidentale, c'est tout le mode de vie des pays riches – et que tous les autres pays nous envient et tentent d'acquérir – qui est à l'origine du désastre écologique.

La seule manière de ne pas épuiser les ressources est de les laisser là où elles sont. La seule lutte contre le réchauffement climatique (je ne parle pas des divers empoisonnements dont nous gratifie l'industrie chimique) suppose que l'humanité cesse de se servir dans le patrimoine vivant comme si c'était un garde-manger américain. Que l'humanité cesse de marcher à la production d'énergie et au moteur. Que l'humanité retourne à l'état d'humilité qui était le sien avant les révolutions industrielles. Qui serait d'accord pour aller à de telles extrémités ?

Même moi, qui crois être un peu lucide, je ne tiens pas du tout à me passer de mon frigo, de mon lave-linge et de mon lave-vaisselle. Je tiens à la lumière que j'allume le soir en rentrant, à l'eau potable (y compris dans la chasse d'eau) qui coule quand j'ouvre le robinet. Je tiens à l'eau chaude (à volonté) de ma douche. Je tiens à ma voiture, si peu que j'en fasse usage. Je n'ai aucune envie d'aller m'établir au Malawi (capitale Lilongwe), pays privé de tous ces avantages.

Et je ne crois pas être très différent de tout un chacun. Comme les hommes ordinaires, j'aime l'écologie tant qu'elle reste un ornement, une valeur ajoutée, une couleur à embellir le paysage et une saveur à mieux goûter les aliments. Mais je ne veux en aucun cas que ma vie entière devienne écologique. La dépendance est trop forte, et la conversion serait trop brutale. Je sais que le monde est de plus en plus invivable, mais c'est mon monde et j'y tiens. L'échéance est inéluctable. Tout ce que j'espère, c'est que l'humanité trouve le moyen de la retarder le plus possible.

Le nœud du problème :

JE SAIS, MAIS JE NE VEUX PAS.

Voilà l'impasse. 

***

Résultat du sondage internet quotidien du Progrès au sujet de Greta Thunberg, paru le 21 septembre 2019.

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Je le sais bien, que ce genre de sondage est hautement fantaisiste, mais du coup je me sens moins seul (8063,06 personnes sont d'accord avec moi au sujet de la petite suédoise).

mercredi, 24 juillet 2019

GRETA THUNBERG, CLOWN.

Pour mettre les deux pieds, les deux mains dans la farce écologiste, regardez Greta Thunberg, écoutez Greta Thunberg, caressez Greta Thunberg dans le sens du poil. Tout le monde en est gaga.

Aurélien Barrau, astrophysicien de son état et défenseur du climat, est tombé raide dingue de la petite morveuse. Il l’a dit bien fort sur l’antenne de France Culture le mardi 23 juillet (citation textuelle, copiée sur le site) : « Je crois réellement que ceux qui nous dirigent n'ont absolument pas compris l'ampleur du problème. Ils sont totalement à côté de la plaque. Ils pensent que de petits ajustements, de petits gestes, de petites choses pourront venir à bout du problème alors que nous sommes face à une crise existentielle majeure. Les quelques députés frondeurs devraient comprendre que la science, le sérieux, la raison sont précisément du côté de Greta. Je trouve leur attitude scandaleuse et même indigne. On sait depuis 40 ans que nous sommes dans une situation critique. Tous ceux qui s'y intéressent le savent. 15 000 scientifiques ont alerté sur la gravité de situation. Rien n'a été fait. Les experts internationaux alertent, rien n'est fait, et là, ils s'indignent du fait qu'une jeune femme vienne précisément relayer ce message ?! Soyons bien clairs, la Science est du côté de Greta.» Sur l'irresponsabilité des responsables, le monsieur frappe au cœur de la cible de la vérité. Mais au sujet de la messagère, pour un scientifique, je le trouve un tantinet fébrile, au spectacle des tresses blondes.

Faut-il que l'humanité soit devenue bien infirme de l'intelligence et du caractère pour placer dans une gamine de 16 ans ses derniers espoirs de freiner le changement climatique ! Greta Thunberg a été invitée à faire la leçon à nos élites politiques, à tancer d’importance les plus hauts dirigeants de la planète, et à leur donner la fessée s’ils ne font rien pour calmer les ardeurs du climat terrestre.

Vous savez ce qu’ils en pensent, de Greta Thunberg, les plus hauts dirigeants de la planète ? Je ne le dis pas, ça risquerait de choquer les âmes sensibles, les cœurs altruistes et les esprits des écologistes les plus tièdes. Je note que les députés ont écouté la harangue d'une militante écolo pure et dure (vegan), juste avant de voter un accord international (le CETA) qui promet bien des gaz à effet de serre et autres joyeusetés.

Qu’est-ce qu’elle vient leur dire, aux grands de ce monde, la petite suédoise ? Que le réchauffement climatique, c’est pas bien et qu’il faut qu’ils se décident à faire quelque chose contre, parce que ça commence à urger. – C’est tout ? – Oui, c’est tout. – Et c’est pour ça que vous me réveillez ? – Oui, c’est pour ça. – Ben vous ne manquez pas de culot ! – Ah non, quand même, pas tout à fait : elle dit aussi que les vieux méprisent assez la jeunesse pour lui léguer une planète en aussi mauvais état. – Ah ben ça, si nos propres parents n'avaient pas commencé à la saloper, on n'en serait pas là ! Et les parents de nos parents, et ainsi de suite : c'est pas moi qui l'ai inventé, le système. Moi, je n'ai fait que mettre mes pas dans leurs pas.

Parlons sérieusement. Je ne sais pas qui pilote ce petit missile adolescent et j’ignore tout des vraies cibles qui sont dans son collimateur. Ce que je sais, c’est que Greta Thunberg est juste un petit clown qui a été propulsé sur le devant de la scène pour amuser la galerie. Je ne plaisante qu'à peine, regardez pourquoi ça s'étripe en place publique : on a complètement oublié le réchauffement climatique pour s'extasier sur le cas d'une jeune fille assez crâne pour garder la langue bien pendue en présence des sommités de ce monde. Le messager occupe toute la scène, et le message a disparu corps et bien. L'époque a réussi à fabriquer une icône consacrée, objet de la vénération ou de l'aversion des foules. Ce n'est plus "pour ou contre le réchauffement climatique", c'est "pour ou contre Greta Thunberg".

Car ça sert à quoi, de sermonner les puissants pour qu’ils fassent quelque chose si on ne dit pas en même temps aux gens ordinaires, aux jeunes si empressés, aux populations laborieuses les sacrifices que leur coûteront bien concrètement les mesures qu’ils somment les dits puissants de prendre urgemment ? Comme si ces mesures ne devaient avoir des effets que loin de chez eux. Comme si le changement climatique, ils n'y étaient pas en plein dedans. Comme si, en fin de compte, ils regardaient un film, bien installés dans un fauteuil.

Moi, je me dis que les gens ne se rendent pas compte. Beaucoup de responsables politiques ne demanderaient pas mieux, je crois, dans leur for intérieur, que d’agir fortement en faveur de la modération climatique. Mais que penseraient les foules qui plébiscitent Greta Thunberg si elles avaient conscience des conséquences très concrètes pour elles des mesures - exigées un peu inconsidérément ?

Qu’est-ce qui empêche les dirigeants d'agir ? Oui, pourquoi les responsables politiques de bonne volonté (il y en a, ça existe sûrement) ne se lancent-ils pas dans la course aux économies d’énergie, dans la construction à outrance de villes à énergie positive ? Pourquoi donnent-ils cette impression d’immobilisme dont les accusent les accusateurs, les jeunes, Aurélien Barreau l’astrophysicien, Nicolas Hulot et les mânes de René Dumont ?

Ce qui les empêche ? C’est visible à l’œil nu, et même de nuit dans le brouillard. Les responsables politiques, en réalité, sont cernés : vous aurez beau les cravacher, ils ne peuvent pas grand-chose. Greta Thunberg et ses thuriféraires ignorent (ou font semblant d'ignorer) quels sont les éléments qui précèdent et conditionnent une décision politique, surtout quand elle touche un domaine crucial comme celui des conditions de vie. C'est tout un calcul millimétré, la question principale étant : « Est-ce que ma décision suscitera l'adhésion générale ? ». Et c'est précisément là que le bât blesse l'animal politique.

D’un côté, vous avez toute l’industrie, je veux dire la machine à produire et à vendre, l'économie. On a du mal, citoyen ordinaire, à se représenter l’invraisemblable puissance de cette machine qui sert, au moins en partie, à générer les profits dont se gavent les plus riches. Je n’examine même pas l’hypothèse qui ferait de nos brillants élus des complices de l’opulence des hautes classes sociales.

De l’autre côté, vous avez les populations, l’ensemble des gens qui travaillent, des gens qui chôment, des gens qui râlent, etc. Mais surtout, vous avez la masse des électeurs qui attendent un boulot, qui voudraient gagner plus, qui achèteraient bien une maison ; la masse de ceux qui voudraient travailler moins longtemps parce que travailler, ça use ; la masse des consommateurs qui voudraient pouvoir consommer davantage pour améliorer leur confort, se rendre la vie plus facile et satisfaire quelques petites envies.

Vous avez le problème en main : susciter l'adhésion. Qu'est-ce qui est politiquement possible ? De quelque côté qu’il regarde, le responsable politique est ligoté. D’un côté, il voit les gens, peu nombreux, qui ont financé ses campagnes, qui ont facilité son accession au pouvoir et qui attendent un juste retour sur investissement. De l’autre, vous avez la masse de ceux qui détiennent l’autre clé de cette accession au pouvoir, indispensable en démocratie : le bulletin de vote.

On ne voit pas le candidat cracher dans la main qui lui tend les billets de banque pour tenir sa réunion électorale dans cette salle qui coûte un prix fou. Mais on ne voit pas davantage le candidat à n’importe quelle élection cracher dans la gueule de ceux dont il réclame le suffrage : « C'est vous les coupables ! Pour ralentir le réchauffement climatique, il va falloir que vous rangiez la voiture au garage définitivement ; fini le lavage en machine ; fini le smartphone ; fini les voyages en avion : il va falloir vous serrer sacrément la ceinture. Il va falloir revenir à la bougie ». Avec ce genre de promesse électorale, le gars passe aux oubliettes pour quelques siècles. Alors même que c’est la pure, la seule, l’unique vérité, il se taira parce qu'il sait que s'il le dit, il a soixante millions de gilets jaunes dans la rue le lendemain. Les gens adulent la messagère, mais ils maudissent le message.

Ce que le responsable politique ne peut dire ni aux populations, ni à ses bailleurs de fonds, c’est qu’il faut en finir le plus vite possible avec la folie industrielle de la production à tout va. Ce qu’il ne peut pas dire, c’est que le réchauffement climatique, nous le devons au système productiviste industriel, celui-là même qui est à l’origine de la prospérité apparente des pays riches, et au fait que tous les jours, fidèlement, des millions de militants du système (vous et moi) mettent volontairement du carburant dans la machine. Tous les consommateurs sont des militants du système.

Alors tous les gens qui n’ont à la bouche que le nom de Greta Thunberg, cette « Jeanne d’Arc du climat », me font hurler de rire et de rage. Je leur dis : « Mais laissez-la donc tranquille, cette môme. Elle n’a pas mérité la tyrannie qui pèse maintenant sur ses épaules ». Tout le monde qui lui emboîte le pas sans se demander quels intérêts elle sert fait semblant de croire que les « hommes politiques » de la Terre entière sont des populations différentes de celles qui les portent au pouvoir. Mais non mon pote, les gens qui sont au pouvoir sont l’émanation directe des gens qui n'y sont pas. Que faut-il se raconter comme histoire pour croire que, tout d’un coup, les hommes politiques détiendraient un pouvoir venu d’ailleurs ? 

Cher monsieur Aurélien Barrau, voulez-vous que je vous dise ce que je pense de votre dévotion enthousiaste envers la jeune Greta Thunberg ? Elle montre que, pour ce qui est du scientifique, vous avez tout compris. Mais que vous vous en preniez aux responsables politiques montre que vous n’avez rien compris aux réalités de la vie quotidienne des gens – qui sont aussi et surtout des électeurs aux yeux des politiques – qui ont quelque légitimité à désirer l’amélioration de leur sort, à refuser que la qualité de leur vie quotidienne régresse (il a suffit de 4 centimes de plus à la pompe pour fabriquer les gilets jaunes), et à exiger de leurs élus qu'ils fassent quelque chose pour cela.

Ils ne se rendent pas compte que le réchauffement climatique, ils le doivent à la somme des éléments de confort qui font le quotidien de leur cadre de vie ? Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont eux-mêmes la cause du problème que vous dénoncez ? La belle affaire : au lieu de vous en prendre niaisement à l’inaction des hommes politiques, dites-leur, vous, aux gens ordinaires, que c’est leur mode de vie de nababs qui fiche en l’air les conditions de l’existence de la vie sur la Terre. Vous verrez comment ils prennent le mot "nababs". Vous verrez ce qu'il en coûte de "désespérer Billancourt" (on disait ça dans les années 1970).

C'est nous tous, nous autres des pays riches (et puissants des pays pauvres), qui sommes coupables de ce qui arrive. Et les choses ne feront qu’empirer aussi longtemps que la masse des gens ne se convaincront pas que c’est leur mode de vie qui dégrade l’environnement. Aussi longtemps qu’ils se croiront innocents. Aussi longtemps qu'ils se croiront dispensés de tout effort pénible.  Croyez-vous sérieusement, monsieur Aurélien Barrau, qu’ils sont prêts à entendre ce genre de discours ?

Il est juste impossible aux responsables politiques (du moins ceux qui auraient une claire conscience des enjeux) de dire aux foules la vérité sur les mesures à prendre pour enrayer le réchauffement climatique : les foules veulent bien "faire un geste" pour la planète, mais elles ne veulent en aucun cas qu'on touche à leur mode de vie. Et ce ne sont pas les sommations culottées de Greta Thunberg aux dirigeants qui changeront quoi que ce soit aux données du problème.

Pour changer ça, il faudrait commencer par définir un idéal de vie qui ne se réduise pas au bonheur matériel. Et pour cela, il faudrait ... il faudrait ... il faudrait ... (je vous laisse meubler les points de suspension).

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 28 mai 2019

LA JEUNESSE ET LE CLIMAT

UNE PETITE CONTRADICTION

Je voudrais ici établir une drôle de passerelle entre deux faits que l'actualité récente ne cesse de juxtaposer dans les journaux et tous les moyens de communication et d'information, sans que ceux-ci soulignent jamais la bizarrerie du voisinage, tant ils sont babas d'admiration devant l'audace et l'authenticité déployées par la jeunesse, qui parcourt depuis quelques semaines les avenues du monde en criant aux puissants leurs quatre vérités. On dira peut-être que je cherche la petite bête ... Et alors ?

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A l'appel de Greta Thunberg, une force nouvelle à l'apparence impressionnante s'est mise en branle pour éveiller la conscience mondiale d'adultes assoupis dans leur confort satisfait, et pour interpeller des gouvernements trop pusillanimes dans leurs actions (ou plutôt inactions) pour empêcher le climat de déraisonner au point de rendre la vie de l'humanité plus difficile, et peut-être impossible.

Semaine après semaine, voilà que se sont installées, juxtaposées à celles des gilets jaunes, des "marches pour le climat" où sont tonitrués des slogans vindicatifs censés faire sortir les responsables politiques de leur coupable léthargie : agissez pour le climat ! tonnent les centaines et les milliers de jeunes qui marchent dans les rues dans l'espoir d'influer sur le cours catastrophique des choses. Ces marches sont, comme de juste, célébrées et magnifiées par la rumeur publique, par la gent médiato-journalistique (qui voit là un nouveau biscuit à se mettre sous la dent), et même par l' "establishment" politique, ravi semble-t-il de se trouver bousculé par la "fougueuse jeunesse".

Remarquez, on dit "les jeunes" mais il n'y a pas que des jeunes. Soit dit en passant, pas plus tard que vendredi 24 mai, rentrant chez moi en passant par la rue Dumenge, j'ai assisté à une scène intéressante : d'une voiture garée contre le trottoir, un homme dans la quarantaine extrayait de curieux objets, tous disposant d'un manche et doté d'un carré de tissu vert qu'il disposait contre le mur d'un immeuble, sans doute pour remiser tout ça dans sa cave.

Le dernier objet consistait en une immense toile verte dont les deux extrémités latérales étaient fixées sur de longs manches. Sur tous ces bouts de tissu vert, une inscription de grande taille : Greenpeace. La multinationale industrielle de la défense de l’environnement ne reste pas inactive, me suis-je dit "in petto". Non, il n'y a pas que la jeunesse : des passagers clandestins ont pris le train en marche, une aubaine qui passait à portée de main. De quoi profiter pour se faire une bonne publicité et gagner encore en "visibilité", voire faire de la bonne vieille récupération de mouvement social. Remarquez qu'en matière de passagers clandestins qui ont pris le train en marche, les gilets jaunes (je parle de ceux du début) savent parfaitement de quoi on parle.

L'enthousiasme des jeunes, disons-le, a quelque chose de sympathique, voire de puissant. Les vieux chevaux de mon espèce se disent que non, tout n'est peut-être pas perdu et qu'il est encore possible de ne pas désespérer de l'espèce humaine en général, et en particulier de la partie qui s'apprête à prendre les commandes de l'engin planétaire à la suite de ceux qui ont fait leur temps et dont les agissements prédateurs ont détérioré la nature au risque d'y rendre la vie de plus en plus invivable. J'éprouve de la gratitude et de l'émotion à entendre les appels pressants d'une génération souvent considérée comme insouciante et dépourvue de sens des responsabilités.

Cela dit, le vieux sceptique que je suis ne peux s'empêcher de se gratter le crâne pour en faire sortir quelques points d'interrogation et de discerner, au milieu du métal le plus pur, la paille qui un jour ou l'autre verra se rompre brutalement la pièce usinée avec tant d'enthousiasme. Car …

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On voit se livrer en ce moment une sanglante guerre entre deux mastodontes, les Etats-Unis et la Chine, pour savoir à qui reviendront les principaux bénéfices et la maîtrise d'un nouvel outil – "révolutionnaire", selon quelques journalistes spécialisés dans l'extase professionnelle à chaque fois que surgissent les innovations technologiques –, un outil qu'on a baptisé d'un nom aux connotations sûrement érotiques : « La 5G ».

Un de ces journalistes, entendu sur France Culture, déclarait qu'un spectateur de match de football pourrait, grâce à cet outil révolutionnaire, pointer son "iPhone" de dernière génération sur un des joueurs courant sur la pelouse, et que s'afficheraient sur son écran des informations aussi vitales et passionnantes que sa vitesse à l'instant "t", son rythme cardiaque, le nombre de kilomètres parcourus depuis le début du match et autres informations dont nul homme normal ne saurait bientôt se passer.

Je le dis sans ambages : j’étais à deux doigts de me pisser dessus à force de rigolade, tant l’utilité de la « 5G » dans cet exemple crevait, non pas les yeux, mais  tous les plafonds de la sottise. L'émerveillement technologique de gens supposés sérieux a toujours pour moi le rutilant éclat de l'exaltation splendide du gamin qui rêve tout éveillé, à Noël, devant la vitrine enchantée du magasin de jouets où s'amoncellent, dans une ambiance éblouissante, toutes sortes d'objets fascinants. Le même émerveillement à l'âge adulte relève selon moi d'une forme assez compacte de crétinisme.

Car c'est quoi, la "5G" ? D'abord le coffre-fort que vous trimbalerez sur vous 7/7 et 24/24 (mais ça, on connaît déjà avec le matériel existant), un coffre-fort qui contient absolument tout ce qu'on peut apprendre de vous sans vous connaître et sans avoir la permission. Mais un coffre-fort qui est en réalité une passoire, ou plutôt un tuyau, puisque tout ce qu'il sait de vous, il se hâte de le transférer à une banque centrale (on appelle ça "banque de données" ou "big data"), qui fait collection de coffres-forts pour leur faire cracher le plus possible de juteuses retombées.

Et vous, qui aurez étourdiment confié toutes sortes de secrets à une machine (pauvres secrets en général, mais n'est-ce pas le lot ordinaire de l'humain ?), vous ne vous étonnerez même pas d'être devenu si prévisible, presque transparent. Je dis "presque", parce que personne au monde, si puissant soit-il, ne peut accéder à l'opacité indestructible qui gît au fond de chacun. Certes, la "5G" fouillera plus profond et sera capable de je ne sais trop quels recoupements aptes à remplir les poches des actionnaires : elle butera au bout du compte sur un noyau d’indéchiffrable. 

Mais il n'y a pas que le coffre-fort, la banque centrale et la banque de données. Il y a l'objet technologique que vous tiendrez dans votre main. Et cet objet, si vous réfléchissez deux minutes avec un cerveau écologique, vous vous dites que c'est une authentique saloperie, une ordure de la pire espèce, pour une raison assez précise. Car pour le fabriquer, le fabricant a été obligé d'aller puiser dans toutes sortes de ressources, des habituelles et des moins habituelles. On appelle ces dernières les "terres rares". Inutile de vous dire que, pour la possession de ces terres rares, tous les moyens sont bons. Et la Chine est plus forte à ce jeu.

Mais ce n'est pas fini : l'utilisateur ordinaire d'un iPhone (smartphone si vous voulez) n'a aucune idée de l'invraisemblable amalgame de matériaux divers qu'il tient dans la main. Des plus savants que moi ont calculé que, si l'on voulait procéder au recyclage de cet objet (c'est-à-dire à la séparation de tous les éléments et matières préalablement amalgamés) dans des conditions économiquement acceptables, on pourrait espérer en récupérer tout au plus 15% : s’occuper du reste reviendrait beaucoup trop cher. 

Et vu le rythme auquel les fabricants renouvellent leurs produits pour rendre obsolètes les modèles précédents, entretenir la flamme de la nouveauté dans le désir de leurs clients et alimenter les portefeuilles d’actionnaires, la masse des smartphones n’a pas fini de submerger les déchetteries et d’empuantir l’environnement. De ce point de vue, le smartphone est par excellence une caricature de l’ennemi public n°1 de la nature. L'anti-matière ultime de l'écologie.

Bon, on me dira qu’il faut aussi compter avec l’empoisonnement de l’humanité par l'agro-industrie chimique, l'élevage chimique, industriel et de masse, la déforestation massive, l’invasion des océans par les plastiques, l'extermination programmée des insectes, puis des oiseaux, et toutes les réjouissances découlant de cette loi cartésienne présentant l’homme comme « maître et possesseur de la nature ». Il reste que le smartphone représente aujourd’hui le nec plus ultra de l’objet anti-écologique.

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Alors voilà, je pose une question à tous les jeunes qu’on voit prêts à s’engager dans les brigades internationales pour secourir le climat menacé : faudra-t-il vous couper le bras pour que vous consentiez à vous séparer de cet objet dont vous n’acceptez à grand-peine de vous séparer qu’au moment où il faut bien dormir ? Pour la réponse, je crains le pire, si j’en crois la panique qui gagne la totalité des gens au moment où ils se rendent compte qu’ils ont oublié leur compagnon à la maison.

Je reste totalement sidéré face à la place centrale, vitale et essentielle que ce petit rectangle occupe dans la vie d’une masse de gens. Et je me dis que si les jeunes qui manifestent en nombre pour la défense du climat considèrent ce simple objet comme une partie d’eux-mêmes, comme un membre qui prolonge leur organisme comme s’il était une partie organique de leur être, ils ne sont pas près de comprendre ce qu’implique pour eux-mêmes la lutte contre le changement climatique d’origine anthropique.

Ils n’ont pas encore compris que s’ils veulent vraiment agir, s’ils veulent participer directement à la correction de trajectoire des activités humaines en direction d’un monde habitable, ils devront tirer un trait radical sur tout un tas de joujoux sans lesquels ils ne sauraient envisager pour l’instant de vivre, au premier rang desquels le smartphone. D’un certain côté je les comprends : ils sont nés dans cet univers où des marchands d’illusions passent leur temps à leur faire prendre des vessies pour des lanternes (ce que condense à merveille l’expression oxymorique « réalité virtuelle »). Qu’ils soient pris dans toutes sortes de mirages produits par la technologie, je peux le comprendre : l'un des effets produits par les objets techniques les plus sophistiqués dont nous faisons usage n'est-il pas de faire disparaître la réalité sordide des choses derrière un écran d'images plaisantes ?

Mais gare au moment de la désillusion. Gare au moment où ils réaliseront qu’en acceptant les joujoux si captivants avec lesquels ils ont grandi et qui leur semblent faire partie intégrante de la « nature », ils ont signé le grand, l’énorme permis de polluer dont bénéficie le système économique ravageur contre lequel ils disent qu’ils se battent. Car sans en avoir clairement conscience, ils sont partie prenante, par leur consommation, de l'entreprise qui modifie le climat en profondeur. En un mot : les jeunes polluent.

En réalité, ce n’est pas contre ce système qu’ils se battent : ils se contentent d’en appeler aux politiques, aux hommes d’Etat, aux responsables auxquels ils gueulent : « Bougez-vous ! ». Qu’attendent-ils, d’ailleurs, des politiciens ? Il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte que les vrais responsables ne sont pas ces fantoches, ces gens qui dépensent des trésors d’ingéniosité et d’énergie pour acquérir et si possible conserver une parcelle de pouvoir. Ils ne sont pas le vent, mais les moulins que le vent fait tourner.

Tant que la jeunesse n’affrontera pas le vent lui-même, je veux parler de la force qui fait tourner depuis les coulisses toutes les machines à détruire le climat, elle ira de déconvenue en déconvenue. Tout au moins aussi longtemps qu’elle n’aura pas compris à quels sacrifices personnels coûteux (confort, facilité, ubiquité, etc.) elle devra se résoudre si elle tient au fond d’elle-même à atteindre réellement les nobles buts qu’elle se proclame. La jeunesse devra consentir à s'amputer de bien des gadgets.

De même qu’on ne peut se prétendre un vrai communiste et être propriétaire d’un bel appartement situé tout près du Parc de la Tête d’Or (D.B. pour ne nommer personne, en plein quartier bourge à plus de 5.000€ le m²), de même, on ne peut pas se prétendre un authentique écologiste défenseur du climat et consommer en même temps toutes sortes de gadgets techniques, fort séduisants par le formidable potentiel de mise en relation, mais dont la logique de production dissimule soigneusement chacun des effets destructeurs qu’on observe à toutes les étapes de la chaîne, et dont ils ne sont que le point d'aboutissement scintillant.

Je souhaite à la jeunesse de comprendre que ce qui a déréglé le climat qu'elle affirme vouloir protéger, ce n'est rien d'autre que le système où elle est née, et qui lui a procuré le monde de confort, de facilité, de paix et d'abondance (apparente) dans lequel elle a grandi. Je souhaite qu'elle en vienne à inclure son propre mode de vie dans les changements à imposer à toutes nos façons de faire, inutilement dispendieuses, et même ruineuses. Je ne suis pas sûr qu'elle y soit prête.

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 15 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°64).

Car il faudrait effectivement un miracle pour échapper à la malédiction. J'entendais un brave jeune homme, un "youtubeur" qui a lancé une initiative citoyenne, consistant à encourager la population à multiplier, dans sa vie quotidienne, les "gestes écoresponsables". C'est gentil, ça part d'une bonne intention, ça ne fait pas de mal, et il y croit sûrement. Le problème, il est là : ce jeune homme croit au miracle. Et ça ou croiser les doigts pour conjurer le mauvais sort, c'est kif-kif.

Il faudrait qu'il se fasse enfin à l'idée réaliste que le geste individuel, si ça vous satisfait individuellement (mettant fin à la "dissonance cognitive"), n'a jamais été (et ne sera jamais) en mesure de modifier en quoi que ce soit la marche de tout ce qui fonctionne comme système. Se prétendre capable d'attaquer un système, c'est être sûr d'être en mesure de détruire toutes les interactions, jusqu'aux plus infimes, entre les innombrables éléments qui constituent ce système. Révérence et salut d'avance au génie de celui qui sera capable de cette haute performance : tant que les interactions fonctionnent, le système peut dormir tranquille.

Croire que les "gestes écoresponsables" peuvent mettre fin au réchauffement climatique, c'est croire au Père Noël. Pour cela, il y a une recette et pas deux : arrêter les moteurs. Tous les moteurs. Le problème, c'est qu'elle est miraculeuse : elle ne se produira pas. Il faudrait changer de civilisation.

J'en vois une jolie preuve dans la conversion assez rapide de toute l'industrie automobile à la voiture électrique, désormais présentée comme une nouveauté extraordinaire. Une vraie planche de salut pour un système à bout de souffle. C'est du moins la fable aimablement colportée par les médias, tous complaisants propagandistes de la voiture électrique. Quel sera l'effet de la voiture électrique ? Elle aura pour seul effet de purifier l'air des malheureux citadins. On respirera sûrement mieux dans les villes. Mais l'électricité, il faudra bien la produire, non ? Par combien la production d'électricité doit-elle être multipliée pour rejoindre dans la réalité l'efficience du moteur à explosion, source majeure des gaz à effet de serre ?

Le problème reste entier et sera simplement déplacé : c'est bien l'énergivoracité de l'humanité actuelle et future qui constitue la part essentielle de ce qui fait le réchauffement climatique. Mais en quel siècle les sources renouvelables d'énergie se seront-elles complètement substituées au charbon, au pétrole, au gaz, aux pétroles et gaz de schiste ? Pendant ce temps, beaucoup de pays et de responsables politiques (et de lobbies) dans le monde parient sur le nucléaire, et alors là, pardon, mais le problème s'aggrave diablement, quoique d'une autre façon. L'humanité consomme chaque année davantage d'énergie : c'est une maladie grave à laquelle nous sommes asservis. 

Quand on voit le désarroi des gens qui, pour une raison quelconque (tempête ou autre), tombent en panne de courant, il y a quelque chose de fascinant (et même de jouissif d'une certaine manière) à imaginer ce qui se passerait le jour où le monde entier serait brusquement plongé dans le noir quand l'électricité cesserait de l'alimenter. Le jour où l'alimentation de la planète en énergie serait soudain coupée. 

La question essentielle est :

QUI A (VRAIMENT) ENVIE D'ARRÊTER ? 

(Avec toutes les conséquences que cela implique.)

Certainement pas les cadres dirigeants des plus grandes entreprises qui dominent le marché mondial et qui gouvernent la réalité du monde aujourd'hui. 

Certainement pas les actionnaires qui attendent toujours de meilleurs "retours sur investissement".

Certainement pas les "fonds de pension" richissimes qui exigent des taux de profit de 10% par an, voire plus.

Certainement pas les chefs d'Etat ou de gouvernement qui lèchent le cul de leurs électeurs dans le sens du poil parce qu'ils préparent la prochaine échéance.

Certainement pas les populations du monde dont la vie quotidienne se heurte à toutes sortes de difficultés économiques ou politiques et qui n'ont qu'une idée en tête : se soustraire dans l'immédiat aux cruautés de la réalité et, éventuellement quand on a les moyens, rejoindre les Eldorados européens ou américains dans l'espoir de ramasser quelques miettes de notre "bonheur" matériel.

Et je ne parle pas des masses de gens qui se voient, dans les pays au seuil de la prospérité, tout près d'acquérir quelques biens "modernes" qui, aux yeux des "nantis" que nous sommes, font depuis lurette partie du paysage. Ils ont notre façon de vivre dans leur ligne de mire (et au nom de quoi leur en dénierait-on le droit ?).

Certainement pas les populations des pays "avancés" qui ont acquis une certaine sécurité économique et refusent mordicus de voir régresser les standards de vie matérielle qui sont devenus les leurs. Il se trouve que j'appartiens à cette catégorie des gens ordinaires, et que je pense comme eux : pour quelle raison faudrait-il que je me laisse dépouiller des avantages concrets que me procure la société présente ? Je ne suis pas membre de la classe des nantis, et je suis obligé, comme pas mal de gens, de surveiller mon compte en banque à partir du 15 du mois. Ce qu'elles réclament aux responsables politiques, les populations, c'est de quoi se loger, s'habiller et se nourrir (et plus si possible). Bref : du travail. 

Les scientifiques ? Ils restent dans leur rôle : ils dressent le constat. Alarmant pour qui est sensible à cette alarme, mais désespérément neutre et sans effet concret notable. Les scientifiques sont lucides, mais concrètement désarmés : ils n'ont que la parole, et qui les écoute vraiment ?

Les militants ? Les convertis ? Je dis juste : combien de divisions ?

La "société civile" ? L'expression me fait rire (jaune). Que ce soient les "Marches pour le climat" ou les rendez-vous mensuels de "Nous voulons des coquelicots", un peu de lucidité suffit à mesurer le poids réel insignifiant de ces mouvements (pour l'instant purement français, même si) dans les prochaines décisions politiques, décisions elles-mêmes de quel poids dans le "concert des nations" ? Regardons le poids de l'îlot  "petite France" dans l'archipel européen, et puis regardons le poids de l'île européenne dans la marche du monde : rien de tel pour rabattre les ambitions.

Le "développement durable" ? Arrêtez de plaisanter. La "croissance durable" ? L'expression est une contradiction dans les termes. Le rarissime économiste conscient des enjeux ne cesse de polir ce beau concept, "croissance durable" : il ment. Ou alors il n'a rien compris : il veut donner à l'écologie une place dans son programme, alors qu'en réalité, le programme tout entier, ça devrait être l'écologie. Vouloir de la croissance pour donner du travail à tout le monde, c'est exactement ce qu'attend le réchauffement climatique pour croître et embellir. Vouloir d'une part de la croissance, du travail et de la production, et d'autre part prétendre qu'on peut quand même lutter contre le réchauffement, c'est vouloir tout et son contraire.

J'en ai plus que marre d'entendre seriner à longueur d'appels alarmistes, par de doctes personnes, les refrains commençant par "IL FAUT". Ce "il faut" s'adresse à qui, en définitive ? Comme on dit au théâtre, c'est "à la cantonade". C'est-à-dire à personne et à tout le monde. Or ce tout le monde-là, il est conscient qu'il faudrait "limiter le réchauffement climatique". C'est vrai : tout le monde a de bonnes intentions et personne n'a envie que la situation empire. Mais qui en tire les conséquences concrètes sur sa propre existence ? PERSONNE (ou si peu). Personne n'a l'intention de changer de mode de vie. Personne n'envisage de se restreindre.

J'en tire la conclusion que personne n'a l'envie ou la possibilité, et encore moins la volonté d'arrêter le réchauffement climatique. Parce que personne ne veut perdre quoi que ce soit de ce qui fait partie de son existence. Tout au plus, dans le meilleur des cas, envisage-t-on de "faire un geste pour le climat", pourvu qu'il soit maintenu soigneusement dans les marges et ne modifie pas trop le principal des façons de vivre. Si des hommes politiques sont conscients de cela, on comprend pourquoi ils pincent la corde écologique avec tant de précautions et de généralités verbales, et le plus souvent en actionnant l'étouffoir. Pour arrêter, il faudrait une majorité mondiale de gens d'accord pour se dépouiller eux-mêmes.

IL FAUDRAIT UN MIRACLE, ET IL N'Y A PAS DE MIRACLE.

Non, le règne de la civilisation matérialiste se révèle aujourd'hui pour ce qu'il est : une arme de destruction massive de la notion même de civilisation. Je ne suis pas "pessimiste", mais je déteste me raconter des fables, et je déteste les bonimenteurs qui me dorent la pilule et me racontent des bobards. Je ne suis pas comme Ernst Bloch : Günther Anders, dans L'Obsolescence de l'homme, ce livre intransigeant et terrible (parfois injuste), lui en voulait beaucoup, parce qu'il « n'avait pas le courage de cesser d'espérer ». Je suis une des innombrables souris concrètes enfantées pas la montagne productiviste, je n'échapperai pas au sort commun, je vois l'impasse et j'y vais, ni plus ni moins que tout le monde.

Désolé de plomber l'ambiance.

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 14 octobre 2018

CLIMAT : LA RECETTE MIRACLE !

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°63).

Je ne l'ai encore dit à personne, mais j'ai inventé la recette miracle pour combattre le réchauffement climatique. Bon, pour être franc, je ne suis pas le seul à l'avoir trouvée. On ne peut même pas dire que c'est moi qui l'ai inventée. Mais comme je n'en entends jamais parler nulle part ailleurs que dans des journaux confidentiels ou dans des émissions écoutées par trois pelés et un tondu, j'ai décidé de la donner ici, gratuitement, dans ce blog à l'audience interplanétaire.

Parce que c'est vrai, à force d'entendre les cloches, tocsins ou glas sonnés par un nombre désormais appréciable de scientifiques et entendus par un nombre non négligeable de convaincus, et comme la chose s'est désormais insinuée dans "l'opinion publique" (entendez : le corps électoral), les responsables politiques (pas tous, et même très loin de là) ont commencé à considérer qu'ils devaient ajouter à leur arc la corde climatique, s'ils avaient l'intention d'entrer en résonance (entendez : récupérer des parts de marché) avec les gens dont ils attendent le bulletin à la prochaine échéance.

Mais attention, tous ces braves ambitieux qui se targuent et promettent d'en finir avec les maux qui accablent le dit corps électoral, n'ont pas la seule corde climatique à leur arc politique. Il y a aussi la corde "chômage-emploi-travail", la corde "impôts-taxes-pouvoir d'achat", la corde "terrorisme-sécurité-victimes", la corde "Europe-souveraineté nationale" (et quelques autres), qui représentent des parts de marché électoral à préserver farouchement contre les avanies de la concurrence. Car ça, ce sont des thèmes porteurs, de vrais incontournables.

(Soit dit entre parenthèses, le corps électoral, en général, veut du concret et de l'immédiat. Disons-le : le corps électoral, dans sa grande majorité, ne voit pas beaucoup plus loin que le bout de ses envies ou de ses obsessions du moment. Il est donc facile à berner.)

Je veux dire que la préoccupation climatique des candidats est une corde mineure. Un accessoire. C'est même la toute petite dernière des roues du carrosse, comme l'ont montré les couleuvres que Macron a fait avaler à Nicolas Hulot jusqu'à ce que celui-ci jette l'éponge. Je veux dire qu'en termes de part de marché, le climat ne saurait être considéré comme un thème prioritaire, ni même comme un thème porteur. Au mieux, dans les calculs, il est considéré comme un simple "plus", une variable d'ajustement tout juste capable de rameuter le ventre mou de la vaguelette de sensibilité écologique qui agite la surface de la population, au gré des bombardements médiatiques sur ce thème.

Mais même quand ils abordent le sujet dans leurs discours de campagne, tous les braves candidats-présidents-députés-sénateurs-maires se gardent bien de dire un seul mot de ce qu'implique concrètement dans la vie future des gens la lutte contre le réchauffement climatique. Car c'est là qu'ils prendraient des risques. Les risques qu'on prend quand on dit la vérité.

La vérité, c'est quoi ? C'est tout simple : l'humanité qui vit (ou qui s'en est fixé l'objectif) à la mode américaine, ou même seulement européenne, vit très au-dessus des moyens de la planète Terre. Autrement dit, l'humanité dépense plus que ce que la planète Terre lui fournit. Quand un ménage, une entreprise ou un Etat fait ça, ça porte rapidement un nom : le surendettement et la cessation de paiement. Elle se profile à plus ou moins longue échéance, cette faillite, mais c'est une certitude arithmétique. Et c'est l'humanité telle qu'elle fonctionne aujourd'hui qui aura mis la planète en faillite.

Le fonctionnement actuel, c'est quoi ? C'est tout simple : l'humanité qui vit à l'américaine est absolument insatiable. Elle pratique l'extraction folle : elle tape dans le capital et dépense sans compter. Elle vide la caisse à toute allure. Il y a l'extraction folle de toutes sortes de minerais qui servent à fabriquer tous les objets dont nous nous servons tous les jours comme s'ils faisaient partie de notre vie de toute éternité. Et puis il y a aussi (et peut-être surtout) l'extraction énergétique folle des substances destinées à faire tourner les moteurs de nos machines.

La vraie malédiction qui condamne notre époque, elle est dans cette logique qui meuble nos vies de masses d'objets, motorisés pour la plupart (ou branchés sur une source d'énergie, ce qui revient au même, puisque seul le carburant diffère), sans lesquels la plupart des gens qui les possèdent ne sauraient plus vivre, tant ils se sont rendus indispensables du fait de leurs effets directement palpables (les inventions techniques sont en général adoptées avec enthousiasme et sans réfléchir à cause de leur "utilité" et de leur usage "pratique" : quel progrès de ne plus avoir, dans les rues si étroites de la Croix-Rousse, à rabattre soi-même le rétroviseur !). L'existence quotidienne est devenue plus facile et plus confortable grâce à toutes ces inventions.

Et c'est vrai que le moteur est une invention prodigieuse. Mais il incarne en même temps la malédiction qui fait de notre mode vie un fléau pour la survie de l'humanité. Un modèle d'énergivoracité déraisonnable. Comme la fameuse anecdote qui court à propos d’Ésope et de la langue, le moteur est à la fois la meilleure et la pire des choses : instrument de confort et de liberté, il a été mis au service de la démence productiviste. 

Et la RECETTE, elle est précisément là : il ne faut pas se contenter d'agir pour limiter le réchauffement du climat, ce qu'il faut, c'est carrément le stopper, le réchauffement. Et pour cela, il suffirait d'arrêter les moteurs. Tous les moteurs. Et le MIRACLE dont parle le titre de ce billet, il est aussi exactement là : c'est qu'il n'y en aura pas. On le sait, il n'y a de miracle que pour ceux qui y croient. Le grand dessinateur Gébé avait autrefois conçu une gentille utopie. Il avait appelé ça "L'An 01". L'idée à l'époque avait suscité un engouement certain. Sur le ton de la fiction agréable, Gébé ne proposait rien de moins qu'une révolution.

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La couv' un peu amochée de mon EO : un vestige.

D'abord BD (1971 ou 19722, dans la revue Politique Hebdo, si je ne me trompe pas, puis en volume aux éditions du Square - Hara Kiri), c'était devenu un gentil film de Jacques Doillon en 1973. Le slogan était le suivant : « On arrête tout, on réfléchit et c'est pas triste ». Il y avait du doux rêveur chez le féroce Gébé, qui lui-même faisait semblant d'y croire. Il y avait, selon moi aujourd'hui, un irrémédiable désespoir dans la fiction rigolote de "L'An 01", qui tient pour acquise la disparition instantanée, sur un coup de baguette magique, de la totalité du système capitaliste. Une fiction qui, en fin de compte, aura fait bien du mal en répandant de façon totalement déraisonnable le sympathique mensonge que "c'est possible" et "qu'on peut y arriver (entendu sur une chaîne de grande écoute aujourd'hui même): « Avant de commencer, considérons le problème comme résolu ». Cela s'appelle aussi "prendre ses désirs pour la réalité". Alors quelle désillusion, quand la fiction se casse le nez sur le mur de la réalité !

C'EST FAIT.jpg

Une image de l'espoir, avant la désillusion (4ème de couv' de L'An 01). Le mec de gauche, qui appartient sans nul doute au système, a hélas raison. Je pense aux utopies de Notre-Dame-des-Landes, où les volontés de changement se heurtent, maintenant que l'aéroport est abandonné, aux réalités du cadastre : quel écologiste est en mesure d'agir sur le cadastre ? C'est qu'il faut l'administrer, le territoire, si l'on veut éviter les conflit entre les personnes. C'est à ça qu'il sert, le cadastre. 

Car on voit comment ça a tourné presque un demi-siècle après : l'urgence est assez rapidement devenue l'extrême urgence. Aujourd'hui, on peut dire qu'on en est arrivé à l'ultime ultimatum. Il y a quelque chose qui cloche dans le principe "optimisme". L'optimisme, moi, j'appelle ça l'espoir. Et l'espoir, je l'appelle croyance. Et la croyance, je l'appelle illusion. Les mots ne comptent pas. Seuls comptent les faits et les actes. Et cela seul devrait suffire à ouvrir les yeux.

Suitetfin demain.

mardi, 09 octobre 2018

ÉCOLOGISTES EN MIE DE PAIN

Dans la série "Des nouvelles de l'état du monde" (N°62).

Bon, voilà qu'ils nous refont le coup. Ça les reprend comme une vieille vérole : ils ont réintroduit des ourses (gravides) dans les Pyrénées. Ils se sont mis dans le crâne que c'était bon pour la "biodiversité". La biodiversité !!! Ils ne savent même pas ce que c'est. Ils auraient pu demander à monsieur Gilles Bœuf, qui connaît la question jusque dans les recoins. Ils veulent "refaire" de la biodiversité sans savoir (ou en faisant semblant de ne pas savoir) comment celle-ci s'est mise en place. 

Ils ignorent même le sens du mot "écosystème". C'est quoi, ça ? Un écosystème, comme tous les systèmes, c'est un réseau complexe de relations, d'interactions, d'interdépendances qui s'est mis en place dans un lieu, une région donnés, où les minéraux, les végétaux et les animaux se sont mis d'accord pour vivre là, en voisins plus ou moins courtois, ce qui a rendu possibles les vies particulières de chacun. 

Et ce système ne s'est pas mis en place au hasard ou du jour au lendemain : il a fallu un processus pour aboutir à un équilibre qui rend possible la vie de tous les éléments qui le composent, le système, avec ses proies, ses prédateurs, ses complémentarités et ses échanges. C'est un système d'autorégulation 100% naturel. Soyons fou, appelons ça, tout simplement, la Nature. Les écologistes dont je parle ici sont en fait des ennemis de la Nature. Au nom de l'idée qu'ils s'en font.

La confondante niaiserie qui consiste à réintroduire du "sauvage" là où les conditions de vie ont énormément changé avec le temps (principalement du fait des activités humaines), devient une escroquerie en même temps qu'un coup de force, quand on réfléchit précisément à l'extraordinaire complexité des interactions qui ont fabriqué l'équilibre de cet écosystème au cours du temps.

C'est Alexandre le Grand qui, parce qu'il ne voyait aucune possibilité de défaire le nœud gordien a résolu le problème du tranchant de son épée. Bon, c'est sûr, il n'avait pas que ça à faire, mais ça revient quand même à nier purement et simplement cette complexité en la faisant disparaître au moyen d'une solution radicalement simple, et surtout brutale. Les "écologistes" dont je parle ici ont inventé l'écologie brutale. Ce sont des violents, comme les carnophobiques qui ont incendié un abattoir dans l'Ain récemment (6 départs de feux simultanés constatés par la gendarmerie).

Le raisonnement de ces gens qui usurpent l'étiquette "écolo" est lui aussi d'une radicale simplicité : « Il y a eu un jour des ours dans les Pyrénées (des loups dans le Mercantour, des lynx dans les forêts du Jura, etc...), il n'y a pas de raison pour qu'il n'y en ait pas de nouveau ». Raisonnement d'une bêtise ahurissante. A ce compte-là, il faudrait remettre des loups dans la région d'Orléans comme à l'époque de Saint-Simon qui raconte que leur chasse était prisée des grands seigneurs (et pourquoi pas réhabiliter les grands seigneurs ?). Et des aurochs dans les plaines d'Europe centrale, sans doute ? L'âge d'or des temps préhistoriques, peut-être ? 

Ils voudraient bien reconstituer le paysage idyllique qu'ils ont élaboré dans le confort de leur petite tête. Ils me font penser aux grotesques qui reconstituent la vie au moyen âge (Autun, entre autres), la vie des chouans (le Puy du Fou) ou la bataille d'Austerlitz, autant de spectacles qui reviennent à faire semblant, à faire mumuse un moment avant de remettre les habits normaux. Des jeux de bac à sable faits pour se divertir ou attirer les touristes, mais qui ne portent pas trop à conséquence.

Sauf que dans les Pyrénées (ou ailleurs, s'agissant des loups), il y en a, des conséquences, et pas minces : des brebis par centaines. Au mépris du travail des bergers. Être écolo de cette façon ignoble, je dis juste : « Non merci ! ». Si c'est ça, être écologiste, alors je dis aux chasseurs : « Allez-y, les gars, foncez ! Ours, loups, tirez dans le tas ! ». Il paraît d'ailleurs que c'est fameux, le rôti d'ours. 

Parce que, pendant que ces irresponsables satisfont leur marotte imbécile, les conditions concrètes d'existence de l'humanité ne cessent de se dégrader, sous les coups de l'ultralibéralisme mercantile qui pille la planète en toute tranquillité et travaille méthodiquement au réchauffement climatique (voir le dernier rapport du GIEC qui vient de paraître), à la montée inexorable des inégalités de niveau de vie et à la violence qui en résultera bientôt (résulte déjà).

Notre avenir s'annonce très sombre, voire catastrophique, sur le plan économique, sur le plan géopolitique et sur le plan écologique. Tout pour plaire à Sa Majesté le Chaos. Et que font les "écologistes" (autoproclamés) ? Ils réintroduisent des ourses dans les Pyrénées. Le reste, ils s'en foutent ! Quand le sage montre la lune, l'attardé mental piqué d'"écologie" se fourre le doigt dans l’œil jusqu'à l'anus.

Je serais la Nature, je dirais la belle phrase attribuée à je ne sais plus qui : « Seigneur, protégez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m'en charge ».

Sauf que ...

samedi, 05 mai 2018

CLIMAT : L'ARBRE ET LA FORÊT

Je remets en ligne aujourd'hui un billet publié ici en 2015. Nous sommes en mai 2018.

Le résultat concret de la saisissante prise de conscience planétaire de la gravité de la situation est immédiatement perceptible. Il suffit de lire le journal Le Monde, ce journal autrefois estimable, et qui ne sert à présent, hélas, plus à grand-chose d'autre que de jouer les "lanceurs d'alerte" à propos de l'état de la planète, dans sa rubrique "Planète", la bien nommée, cornaquée par Stéphane Foucart. Pour beaucoup d'autres rubriques (exceptons la page "Sports", par charité, où il n'arrive cependant pas à égaler la coruscance des comptes rendus de matches de foutbal de L'Equipe), Le Monde ne sait apparemment plus ce que veut dire le verbe "informer" (j'exagère, évidemment¹). Mais alors pardon, comme lanceur d'alerte en écologie, Le Monde nous donne très récemment deux preuves qu'il est encore capable de transmettre ce qu'on appelait de l'information. A l'époque de l'information.

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Sur la "une" du Monde daté jeudi 3 mai 2018. Comme quoi, il n'y a pas que le réchauffement climatique, dans la vie. L'article parle de la pollution de l'air, c'est-à-dire des dizaines de milliers de produits chimiques qui se baladent de l'atmosphère jusque dans nos poumons. Mais dans le hors-champ de cet article, il faut se représenter les autres dizaines de milliers de molécules inventées par l'homme, et qui se baladent non seulement dans l'air, mais aussi dans l'eau et dans la terre, jusqu'à imprégner l'intégralité de nos organismes depuis nos estomacs jusqu'à la moelle de notre mort.

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Page 5 du Monde daté 4 mai 2018 (si, si, c'est hier). Sous-entendu, selon moi, de la phrase explicative : les riches se demandent comment faire croire aux pauvres (je parle des pauvres des pays pauvres, parce que là-bas, il y a aussi des gens très riches qui savent très bien à quoi s'en tenir, et qui font ce qu'il faut pour que ça continue) que le développement est encore possible sans que les dits pays aient à se doter d'une industrie digne de ce nom, seule authentiquement productrice de richesses, c'est-à-dire sans se doter de sources inépuisables de pollutions diverses. Remarquez, à défaut, les pays riches peuvent toujours considérer les pays pauvres comme des poubelles, et s'imaginer qu'ils n'y tomberont jamais, dans la poubelle. Quand ils y seront tombés, comme cela ne peut manquer d'arriver, ils chanteront des hymnes à la gloire de la COP 21, de la COP 22, de la COP 23, de la COP 24, de la COP 167, ....

Commentaire qui n'a rien à voir (quoique ...) : tout le monde parle du Brexit, mais j'ai l'impression que plus on en parle, moins on le voit venir. C'est bizarre : je ne peux pas m'empêcher de faire le rapprochement (et l'antithèse) : plus on parle du réchauffement climatique, plus on le voit venir, je veux dire : plus on le voit accourir à grandes enjambées, et moins on voit la volonté d'y faire face. Et qui parle des molécules chimiques ? De l'épidémie en cours des maladies chroniques ?

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21 octobre 2015

L’arbre du climat cache la forêt de l’état de la planète.

Bien sûr, les gaz à effet de serre. Bien sûr, la production d’énergie par l’exploitation des fossiles arrachés au sous-sol. Bien sûr, le CO² (mais on oublie souvent le méthane CH4, le dioxyde d’azote N2O et encore plus souvent le trifluorure d’azote NF3, aux effets 17.200 fois supérieurs à ceux du CO² – heureusement, la production n’a rien à voir). 

C’est très bien de lutter contre le réchauffement climatique et la libération dans l’atmosphère de toutes sortes de gaz à effet de serre. Indispensable. Surtout que les yeux des responsables politiques de la planète ont eu bien du mal et mis bien du temps à s’ouvrir, du fait de l’action puissante d’une troupe de marchands de sable réunis en lobbies redoutablement efficaces pour prolonger le sommeil des décideurs. 

Je ne dis donc pas qu'il ne faut pas lutter. La vérité oblige cependant à dire que s’il n’y avait que ce problème du réchauffement, il y aurait de quoi entretenir un relatif optimisme. Ce n’est hélas pas le cas. Est-ce que l’espèce humaine marche vers sa propre extinction ? Certains ne sont pas loin de le croire. Paul Jorion en parle explicitement, mais il n’est pas le seul. 

Je citerai seulement le bouquin de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peu s’effondrer (Seuil, 2015, voir mes billets du 22 au 24 juin), où ils énumèrent dans la première partie les caractéristiques du véhicule dans lequel l’humanité est embarquée. Voici ce que cela donne dans les têtes de chapitres : « 1 – L’accélération du véhicule [avec en sous-titre : "Un monde d’exponentielles"] ; 2 – L’extinction du moteur (les limites infranchissables) ; 3 – La sortie de route (les frontières franchissables) ; 4 – La direction est-elle bloquée ? ; 5 – Coincés dans un véhicule de plus en plus fragile ». La métaphore est certes exploitée bien lourdement, mais elle donne quand même à réfléchir. 

Laissons de côté toutes les guerres chaudes qui se mènent en maints endroits, ainsi que tous les problèmes politiques, géopolitiques, géostratégiques divers, qui introduisent pourtant une redoutable instabilité dans les relations internationales.

Pour ne parler que de l’état de la planète, on peut commencer par citer ce qu’on n’appelle plus (peut-être à tort) l’ « explosion démographique », principalement en Inde (qui s’apprête à doubler la Chine), et en Afrique (les projections pour 2100 tablent sur un total de 4,2 milliards). Combien d’humains en 2100, Madame Irma ? Et combien d’humains entassés dans de gigantesques mégapoles échappant à tout contrôle ? 

Et cette population, il faudra bien l’abreuver, mais aussi arroser les champs qui permettront de la nourrir. Y aura-t-il de l’eau pour tout le monde ? Qui tiendra les robinets ? Les propriétaires accepteront-ils de partager ? Les constructeurs de barrage feront-il barrage aux gens situés en aval ? Pourquoi croyez-vous qu’Israël s’accroche au plateau du Golan comme un morpion à son poil ? Parmi les raisons stratégiques, la première est sans doute le besoin qu’il a de maîtriser la source d’approvisionnement du territoire en eau. 

Et puis il y a les océans. Quid de l’acidification, qui induira la disparition du plancton ? Quid de ces continents virtuels faits de bouts de plastique qui flottent entre deux eaux, et qu’on retrouve dans le ventre des albatros morts ? Quid de la disparition des barrières corallières ? Des mangroves côtières, indispensables zones intermédiaires entre la terre et les humeurs océaniques, parfois dévastatrices ? Quid de l’appauvrissement des mers, aux populations halieutiques surexploitées par d’énormes bateaux-usines ? 

Et puis il y a la voracité des bétonneurs qui font main basse sur le sable des côtes pour construire toujours plus d’orgueilleux gratte-ciel, redessinant jusqu’au massacre les dites côtes sans se soucier de la vulnérabilité du littoral que leur goinfrerie provoquera.

Et puis il y a les forêts, ces « puits à carbone », paraît-il. Combien de pays se hâtent d’en faire disparaître de copieuses portions pour les remplacer par des plantations d’hévéas ou de palmiers à huile, parce que ça rapporte davantage en devises ? Mais Ségolène Royal a obtenu de Nutella l’assurance indignée que l’huile de palme que nécessite sa pâte à tartiner est issue de cultures écologiquement responsables et commercialement équitables. 

Et puis il y a l’agriculture industrielle qui extirpe toute vie des sols qu’elle colonise, à coups de pesticides et autres intrants agro-chimiques, les rendant de plus en plus stériles et rétifs à nourrir l’humanité. Et puis il y a les OGM certifiés et dûment brevetés (on appelle ça la « propriété intellectuelle ») de Monsanto, Bayer CropScience et Syngenta, et disséminés dans le monde entier par ces apprentis-sorciers qui n’en ont rien à faire de la santé humaine. Et puis il y a l’industrialisation galopante des élevages bovins, la gestion informatique des troupeaux d’ovins, les batteries de veaux, cochons, couvées soignées préventivement à grands coups d’antibiotiques. 

Et puis il y a les populations humaines, en bout de chaîne alimentaire, qui mangent les produits de cette agriculture, et qui cumulent les saloperies qui y ont été mises. Qui avalent toutes sortes de trucs et de machins terriblement savants, en toute confiance ou parce qu’ils n’en peuvent mais. 

Je m’arrêterai là dans l’énumération non exhaustive. 

Non, il n’y a pas que le réchauffement climatique. Il y a aussi du souci à se faire. 

Ce qui est pratique, dans le réchauffement climatique, et qui fait oublier tout le reste, c'est que la responsabilité est partagée par plusieurs milliards de personnes, c'est-à-dire tout le monde, autrement dit : personne. Si tout le monde est coupable, nul ne l'est. Comment faire, quand le coupable est anonyme et abstrait ? Et ça évite de regarder le problème en face.

Le problème ? Le mode de vie à l'occidentale, dévoreur d'énergie. Réservé à une petite partie de l'humanité (l'occident capitaliste, matérialiste, colonialiste), ce mode de vie est une verrue sur la joue de la planète : c'est laid, mais pas mortel. Multiplié par sept (l'humanité entière), c'est un fléau. Nous faisons semblant de ne pas voir que c'est la façon dont nous vivons qui, étendue à la planète, condamne celle-ci à l'asphyxie. 

Il n'y a pas de croissance propre. Si la COP21 ne se préoccupe que de rendre la croissance accessible aux pays pauvres et émergents, elle est déjà programmée pour un échec.

Qui, sur Terre, serait aujourd'hui prêt à se priver de tous les avantages, à toutes les facilités, à tout le confort que procure la technique ? Moi non plus, je n'ai aucune envie de vivre dans la frugalité.

Le cœur du chaudron où mijote le problème est là, et pas ailleurs.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 02 mai 2018

EN ATTENDANT L'EFFONDREMENT 3

24 juin 2015

3/3 

SERVIGNE & STEVENS.jpgBon, je ne vais pas refaire le bouquin. J’en viens au reproche principal : Pablo Servigne et Raphaël Stevens sont finalement des « fashion-victims » : victimes de la mode de la psychologie sociale, qui sévit apparemment plus que jamais outre-Atlantique. Ils font de la psychosociologie LA clé à ouvrir toutes les portes de toutes les serrures de toutes les sociétés modernes : tout se passe dans le crâne des gens, autrement dit : il suffit d'appliquer à la psychologie des foules quelques techniques adéquates et de savoir sur quels boutons appuyer pour amener les dites foules à agir dans le sens souhaité par quelques décideurs "éclairés". On appelle ça la propagande. Cela pourrait s'appeler avec plus de justesse : la dénégation du réel.

Je résume un peu brutalement les présupposés des auteurs, mais c'est à peu près à ça que revient l'ensemble de la démarche, qui repose sur le socle d'un optimisme à toute épreuve (pourtant nié par les auteurs). Je m'étonne que Paul Jorion ait manifesté tant de considération pour un tel "manuel" (sous-titre lisible en couverture : "Petit manuel de collapsologie à l'usage des générations présentes", décalque du titre de Beauvois et Joule sur la "Manipulation" : voir hier). A la question : "Que faire ? ", ils répondent : "Agir sur les mentalités". Et c'est là que je me mets à les considérer comme des foutriquets. Des olibrius. D'ailleurs, il suffit de lire pour s'en faire une idée.

Cela commence avec la quatrième de couverture, qui nous apprend en effet que le premier est ingénieur agronome et docteur en biologie. Jusque-là, tout va bien. Mais il est présenté, plus étrangement, comme un « spécialiste des questions d'effondrement, de transition, d'agroécologie et des mécanismes de l'entraide ». Disons que ça devient pour le moins "bigarré". Le second affiche plus frontalement sa bizarrerie : il « est éco-conseiller. Expert en résilience des systèmes socio-écologiques, il est cofondateur du bureau de consultance Greenloop ».

"Expert en résilience" ! "Bureau de consultance" ! Tudieu ! Mazette ! Quelles cartes de visite ! Mais ça me donne plus envie de ricaner que de me laisser impressionner : "spécialiste", "expert" et, pire encore, "consultant", Allez, vas-y, fais mousser ! Non, franchement, il y a amplement de quoi se méfier. Quand des auteurs mettent en avant autant de "spécialités" (sic) disparates, pour ne pas dire hétéroclites, ça commence à sentir le "pipeau". J'ajoute que de telles cartes de visite vous ont un furieux parfum d'Amérique, ce que confirme l'origine très largement américaine des travaux auxquels ils se réfèrent dans leurs 429 notes en fin de volume.

Et puis qu’est-ce qui leur prend, à ces "lucides", de poser pour finir la question de savoir ce que pense l’opinion publique et comment on pourrait corriger les mentalités et les façons d’agir ? Je ne fais quant à moi aucune confiance aux « petits gestes quotidiens », grand slogan de l'intimidation et de la culpabilisation de la masse des gens qui ne font que subir le mode de vie de tout un chacun, mode de vie qui ne dépend de personne en particulier, mais découle d'un système organisé. Tous les acteurs de l'économie, depuis la prospection et l'extraction jusqu'à la gestion des déchets produits, en passant par la conception, la fabrication et la distribution des objets, sont les maillons d'une seule chaîne.

Le bouquin de Beauvois et Joule (voir hier) est très instructif, mais je me méfie de la propagande et de la manipulation comme de la peste. La psychologie sociale qui nous vient des USA a trop de relents de "gestion" des foules, si vous voyez ce que je veux dire. Quitter l'examen des faits pour explorer le champ de l'opinion, est-ce bien sérieux ? Se proposent-ils de lutter contre le capitalisme en bourrant le crâne des masses ? En pratiquant la "psychologie comportementale", cette discipline à tendance totalitaire qui ne vise à rien de moins qu'adapter l'individu aux contraintes qui lui sont faites par ses conditions de vie.

L’essentiel se passe-t-il dans le monde des représentations ou dans le monde concret ? S’agit-il de modifier les façons de voir ou les façons de faire ? S'agit-il d'adapter les individus à un monde de plus en plus invivable ? On le sait, la psychologie sociale sert principalement à peser sur les représentations pour corriger les comportements (ou de préférence l'inverse, selon Beauvois et Joule, et leurs inspirateurs américains), mais seulement en direction des masses laborieuses. Et son moyen d'action est la propagande. Il serait plus intéressant de se demander comment modifier le regard des grands décideurs.

On voit bien là l’influence de redoutables gourous, dont l’ancêtre seBERNAYS PROPAGANDA 2.jpg nomme Edward Bernays, le prophète du « gouvernement invisible », le double neveu de Sigmund Freud (par sa mère et par sa tante), qui est à l’origine de l'emprise actuelle de la publicité, qui est allée chercher dans le subconscient, grâce aux découvertes de la psychanalyse, les « motivations profondes » qui orientent les comportements des acheteurs de marchandises. Le cœur du bouquin de Servigne et Stevens est en définitive un éloge "de fait" de la propagande, et un appel pathétique à son intensification. Le livre de Bernays date de 1928. C'était le livre de chevet d'un certain Joseph Goebbels, ministre de la propagande sous un certain Führer nommé Adolf Hitler.

Comme si l’histoire du capitalisme se réduisait à une sorte d’histoire des mentalités. Une histoire fondée sur l'individu quintessentiel et ses croyances. C’est aussi faux que niais. L’énormité de cette façon de voir éclate dans quelques formules qui dessinent une sorte de paysage façonné par l’idéologie dominante : « Le processus de deuil traverse plusieurs étapes, selon le processus bien connu établi par Elisabeth Kübler-Ross, la psychologue américaine spécialiste du deuil … » (p. 232-233). Pour les auteurs, le deuil en question est celui qu'il faudra faire un jour prochain de la civilisation thermo-industrielle : retour à "Silex and the city" ? Prennent-ils acte, ce faisant, du caractère inéluctable de l'effondrement ? Non, ce serait trop simple.

La phrase citée ne me semble pas sérieuse : on est dans la gestion psychologique des foules (on pense à l'intervention des « cellules psychologiques » dans les collèges où a eu lieu un drame). Que je sache, le deuil n’est pas un concept scientifique, même si les psychologues s'entendent pour m'affirmer le contraire : il est d'abord un fait, qui découle d'un événement précis. Un fait aux effets imprévisibles : il y a des "veuves joyeuses". L'effondrement en cours, au contraire, est un événement diffus et insidieux : quand on voit le même paysage ou le même visage tous les jours, on a bien du mal à en percevoir la dégradation.

Comment faire son deuil d'un événement qui n'a même pas encore eu lieu ? D'un événement présenté comme possible ou probable, mais à déroulement lent, et au surplus indéfini ? Tant que les auteurs en restent au constat et à l'analyse des faits, leur démarche est d'une pertinence de marbre. La perfection dure 133 pages. Tout le reste, c'est-à-dire la plus grosse partie, qui s'attache à répondre à la question "Que Faire ?", sombre dans le ridicule et la pantalonnade. Voilà ce que ça donne, quand des intellos (en fait, "psychosociologie", c'est un grand sac d'abstractions hétéroclites) se prennent pour Superman et que l'idée leur prend de sauver le monde. Contentez-vous d'observer, de comprendre et d'analyser. Et d'expliquer ce qui se passe. Des scientifiques n'ont pas à s'efforcer de convaincre : ils ont à démontrer.

Petit florilège de la prose qu’on trouve à la fin de ce bouquin : « Le "travail" de deuil est donc à la fois collectif et personnel. Comme le soulignent les remarquables travaux de Clive Hamilton, Joanna Macy, Bill Plotkin ou Carolyn Baker, ce n’est qu’en plongeant et en partageant ces émotions  que nous retrouverons le goût de l’action et un sens à nos vies. Il s’agit ni plus ni moins que d’un passage symbolique à l’âge adulte » (p. 233). L'âge adulte ? Non mais je rêve ! Ils en sont là, les auteurs ? A qui croient-ils s'adresser ? Et puis "remarquables travaux" : le lecteur est-il obligé de les croire ?

Un livre qui commence sur un ton on ne peut plus sérieux, mais qui finit sur le ton de la farce : non, messieurs Servigne et Stevens, vous n'êtes pas sérieux : vous êtes des clowns et même pas drôles. Allez, quelques drôleries quand même pour finir : « L’action constructive et si possible non-violente ne peut clairement venir qu’après avoir franchi – individuellement et collectivement – certaines étapes psychologiques » (p. 235). Vous avez noté "si possible non-violente" : on ne promet rien. Et toujours la sacro-sainte psychologie, bien sûr.

« D’abord parce qu’il est trop tard pour [faire son deuil], et ensuite, parce que l’humain ne fonctionne pas de la sorte. » « [L’action] permet dès le début de la prise de conscience de sortir d’une position d’impuissance inconfortable en apportant quotidiennement des satisfactions qui maintiennent optimistes » (p. 235). Il faut positiver, on vous dit.

Et cette perle : « Et si, tout en regardant les catastrophes les yeux dans les yeux, nous arrivions à nous raconter de belles histoires ? » (p. 217). Dans la gueule du dragon, souriez encore, vous êtes filmé.

Remarquez que celle-ci n'est pas mal non plus : « Ecrire, conter, imaginer, faire ressentir ... il y aura beaucoup de travail pour les artistes dans les années qui viennent » (p. 218). Des missions de l'art contemporain : il ne manquait plus que ça.

Et puis celle-ci : « ... car nous aurons grandement besoin de réconfort affectif et émotionnel pour traverser ces temps de troubles et d'incertitudes » (p. 236). Traduction : il est urgent de préparer les masses au pire et de les diriger vers le divan des psy, auprès desquels ils trouverons du réconfort en modifiant leur manière de voir. Besoin de consolation ? Adressez-vous à Leporello, quand il dit à Donna Elvira, au début de Don Giovanni : « Eh ! consolatevi ; non siete voi, non foste e non sarete né la prima, né l'ultima » (c'est pour introduire l' "air du catalogue" : consolez-vous, vous n'êtes ni la première, ni la dernière). Mais Stig environnement,écologie,réchauffement climatique,comment tout peut s'effondrer,éditions du seuil,anthropocène,psychologie sociale,pablo servigne,raphaël stevens,ingénieur agronome,beauvois et joule,petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens,pape françois,nicolas hulot,edward bernays,propaganda,sigmund freud,élisabeth kübler-ross,silex and the city,jul dessinateur,bande dessinée,leporello,don giovanni,donn'elvira,stig dagerman,notre besoin de consolation est impossible à rassasier,éditions actes sud,air du catalogue,denis dufour,notre dame des landesDagerman a définitivement répondu : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier (Actes Sud, cf. aussi la prenante œuvre musicale de Denis Dufour (même titre), le compositeur électro-acoustique aux pieds nus). Passons sur cette tentative de recours désespéré au sein maternel.

Plus américain que ça, tu meurs. Et je n'ai pas parlé de l'intuition et des émotions, indispensables ingrédients que les auteurs ajoutent à leur salade. « C’est en agissant que notre imaginaire se transforme » (p. 235). Certes ! Soit dit en passant, c’est tiré de la « théorie de l’engagement » chère à Beauvois et Joule (calquée sur des théoriciens américains), dans laquelle la « dissonance cognitive » (accomplir un geste en contradiction avec ses convictions supposées, qu'ils intitulent "soumission sans contrainte") se résout bientôt par une modification de la façon de penser pour adapter celle-ci aux actes qu'un manipulateur a obtenu que nous accomplissions. Le geste engage, paraît-il, et l'esprit, serviteur servile, apprend ce qu'il doit penser des actes qu'il a accomplis sous influence. Je rappelle que le titre de Beauvois et Joule est Petit traité de manipulation ...

C’est dans cette perspective que Servigne et Stevens nous invitent à changer radicalement notre façon de voir le monde : « … faire le deuil de notre civilisation industrielle … » (p. 238). Je vais vous dire : le problème de ce livre est double. Faisons abstraction de la première partie : il souffre 1 - d’être écrit au futur et 2 - de tomber dans la bouillasse psycho-sociale.  

Le plus curieux ici est que les auteurs ont bien prévenu le lecteur au début : « Ce n’est pas non plus un livre pessimiste qui ne croit pas en l’avenir, pas plus qu’un livre "positif" qui minimise le problème en donnant des "solutions" au dernier chapitre » (p. 21). Toute la fin, malgré cette grande déclaration, est consacrée au « changement de mentalité », c'est-à-dire au "travail sur les représentations", et non pas au travail sur les faits et les choses. Autrement dit, elle tente de répondre à la question « Que faire ? ». Autrement dit, elle ne fait rien d'autre que de proposer des solutions. Autrement dit, les deux auteurs restent d'un optimisme indécrottable. Et c'est peu de dire que les solutions envisagées sont d'une niaiserie confondante, aussi aériennes que vaporeuses, pour ne pas dire nébuleuses.

Le recours à outrance à la psychologie sociale veut seulement dire que les auteurs croisent les doigts (et autres gestes magiques de conjuration du mauvais sort : pourvu que ...), et s'en remettent à l'espoir que les choses s'arrangeront toutes seules. On n'est pas loin de la pensée magique.

En réalité, le message involontaire du livre est d’un pessimisme noir, faute d’entrevoir des manières crédibles et fondées d’inverser les processus en cours. Peut-être Servigne et Stevens pensent-ils qu’un effort massif de propagande serait en mesure d’agir avec assez de force sur les mentalités pour obliger les populations à ... à quoi, au fait ? A se préparer au pire ? Tous deux votent, en masse et à l'unanimité, pour la manipulation des foules. Ils sont dans la croyance en la croyance.

Sans compter qu'on avale déjà des overdoses de propagande, je pose juste la question : qui détient le cordon de la bourse du financement de cette propagande ? Les ennemis de l’aéroport de Notre-Dame des Landes ? Soyons sérieux : sachant de quel côté se trouve le coffre aux picaillons, nous n'avons pas fini d'entendre chanter les louanges de ce "meilleur des mondes" qui est le nôtre. Et nous n'avons pas fini d'entendre le silence sur les conséquences qu'il entraîne.

Dommage que la cause environnementale soit défendue par de tels ouvrages.

Voilà ce que je dis, moi.

lundi, 30 avril 2018

EN ATTENDANT L'EFFONDREMENT 1

22 juin 2015

Le pape François a raison !

1/3 

SERVIGNE & STEVENS.jpgLe monde est en mauvais état, ça commence à se voir et même à se savoir. Le pape François en personne s’en est aperçu, c'est dire (cf. son "encyclique" Laudato si). Mais l’Eglise catholique est dans un tel délabrement que je n’ai plus envie d’appuyer sur la détente. On nous fait un ramdam pas possible au sujet du ramadan. On s’est bien gardé, le 25 mars, de signaler aux chrétiens le jour de l’Annonciation, que je sache. Plus la France se musulmanise dans les médias et dans la rue (sur le refrain : « Il faut être tolérant, voyons ! »), plus j’ai envie de revendiquer les racines chrétiennes de ma culture, même sans avoir la foi. Mes racines les plus profondes sont là, et nulle part ailleurs. Puisque d'autres revendiquent avec force (et même parfois avec violence) leur identité, je ne vois pas pourquoi je n'affirmerais pas la mienne. Ce serait bien mon tour. Passons.

Le pape a donc raison avec son encyclique dédiée à l’état de notre environnement naturel. Qu’on examine la santé de la planète, qu’on mesure les ressources en eau ou en alimentation (leur qualité, les substances diverses qu'on nous fait avaler), actuelles et futures, que l’on comptabilise les kilomètres carrés de forêts qui disparaissent, qu’on assiste, effaré et impuissant, à la cancérisation du Moyen Orient et de quelques régions d’Afrique par des mafias impitoyables armées de leur islam guerrier, chassant sur les routes de l’exil des troupeaux de réfugiés, qu’on écoute la litanie interminable des déboires économiques qui attendent encore la France, – quoi qu’on fasse, on ne peut que constater les dégâts. 

Quand on aborde les problèmes un par un, on pourrait presque se prendre à espérer en des solutions, et se dire que le pire n’est pas toujours sûr. C’est quand on les met bout à bout que le tableau d’ensemble commence à apparaître et à devenir effrayant. C'est la somme des maux qui touchent la planète et l'humanité, c'est aussi la diversité de leurs causes et de leur origine qui finissent par paraître menaçantes et monstrueuses. Les lieux du monde où sévit le Mal sous toutes ses formes tendent à se multiplier, et les multiples façons dont le Mal s’exprime tendent à envahir le paysage. Même pas besoin d’être pessimiste : il suffit de se tenir informé et de garder ouverts les yeux et les oreilles. 

C'est la raison pour laquelle on a bien du mal à comprendre l’optimisme, fanatique autant que ravageur, qui habite certains commentateurs et observateurs soi-disant « avertis », genre Laurent Mouchard-alias-Joffrin, de Libération (pas le seul, hélas), qui persistent dans une stupéfiante confiance dans le « Progrès » indéfini de l’humanité et dans les solutions techniques aux problèmes que la technique a engendrés (l'innovation au secours des dégâts des innovations précédentes : le pompier venant éteindre à coups de pétrole l'incendie qu'il a allumé).

Je n’ose croire qu’ils se vautrent sciemment dans le mensonge, sauf à imaginer qu’ils en tirent un bénéfice personnel, à la façon de ces « think tanks » à l’américaine qui, largement subventionnés par les intérêts de ceux qui y ont intérêt, vous déversent à la demande du climato-scepticisme comme s’il en pleuvait ou de la croyance absolue dans les bienfaits des OGM ou des néo-nicotinoïdes dans l’agriculture. 

Je viens d’apprendre l’existence d’un livre (Osons rester humains. Les impasses de la toute-puissance) de Geneviève Azam au sujet de la si fragile toute-puissance de l'humanité actuelle. Je le lirai peut-être [ce n'est toujours pas fait trois ans après : effet de saturation ?]. La dame, à la radio, parle en tout cas de façon pertinente et mesurée. Et le vieux poids lourd Edgar Morin lui apporte son soutien en écrivant "Lu et approuvé" dans Libération du samedi 20 juin (même jour que le Terre à terre de Ruth Stégassy, qui avait invité Geneviève Azam dans son excellente émission, sur France Culture).

MORIN EDGAR.jpg

Mais aujourd’hui, je veux évoquer le petit volume de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, Comment tout peut s’effondrer (Seuil, collection « Anthropocène », avril 2015). Car l’ambition de ce bouquin est précisément de mettre bout à bout les problèmes qui menacent l’humanité. Le sous-titre est éclairant : « Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes ». Je le classerai parmi les « mauvais bons livres ». Je dirai pourquoi. 

« Collapsologie », donc. Pourquoi pas ? Le terme existe sans doute déjà, dans cette Amérique qui a tendance à nous envoyer, avec quelque retard, toutes ses trouvailles, jusqu’aux plus débiles, saugrenues et malfaisantes. Mais « générations présentes » est aussi à relever : pour les auteurs, les menaces qui pèsent sur la planète ne doivent pas être pensées dans un lointain futur, mais sont à prendre en compte dès aujourd’hui. 

Va donc pour cette nouvelle discipline scientifique : la science des effondrements. Drôle d’idée quand même de faire de l’effondrement un objet d’étude scientifique. D’ériger l’effondrement en concept, en objet d’observation en soi. Je ne comprends pas bien cette tournure d’esprit, qui pose un objet largement conceptuel sur la paillasse pour voir s’il obéit à des lois qui lui sont propres.

Ça me fait un peu penser à une des définitions qu’Alfred Jarry donne de la « ’Pataphysique » : « … la ’pataphysique sera surtout la science du particulier, quoiqu’on dise qu’il n’y a de science que du général. Elle étudiera les lois qui régissent les exceptions … » (c'est dans les Gestes et opinions du docteur Faustroll, pataphysicien). J'adore quant à moi les lois qui régissent les exceptions. Sans exception.

De là à voir dans « l’effondrement » un objet pataphysique, il y a un pas que je me garderai de franchir, tout en esquissant le geste. Je veux dire que j’ai un peu de mal à envisager un concept qui s’appellerait « effondrement » : il faudrait disposer d’une belle série historique d’effondrements passés pour difficilement en tirer des enseignements de quelque validité. L’Empire romain, les Mayas (qui sont cités), je veux bien, mais scientifiquement, ça paraît bien léger. Y a-t-il des "lois" qui président aux effondrements ? Ou, plus probablement, chacun est-il un exception ? Un cas unique ?

On n'est finalement pas très loin de la 'Pataphysique, il me semble. Que les auteurs n'aient aucun souci, ils ne risquent rien : « La 'Pataphysique est la science ... » (dernière phrase du Faustroll).

Voilà ce que je dis, moi.

dimanche, 29 avril 2018

L'INDUSTRIE DÉTESTE LA VÉRITÉ ... 2

... SCIENTIFIQUE.

 

27 février 2015

 

Je parlais du livre de Naomi Oreskes et Erik M Conway, Les Marchands de doute. Un livre fondamental.

 

2/2

 

La thèse principale peut être formulée ainsi : les industriels ont tout fait pour ériger la controverse scientifique en stratégie de communication, pour éviter qu’une régulation légale ou administrative vienne limiter la liberté du commerce et des affaires. « Tout », ça signifie, entre autres, la manipulation et le trucage des données, les pressions et l’intimidation sur les professionnels (eh oui, ils pensent aussi à leur carrière), la dénégation et le mensonge tous azimuts quand il s'agit d'intervenir dans les médias, la création et l'entretien méthodique de réseaux d’influence, l’omniprésence dans les médias de masse quand des illuminés imaginent pouvoir impunément les mettre en cause, etc. … Les exemples successifs sont le tabac, l’IDS de Reagan (on a oublié ce délire qui voulait mettre définitivement à genoux l'URSS finissante, sous le nom d'Initiative de Défense Stratégique, traduit par Guerre des Etoiles en langage journalistique), les pluies acides, le trou d’ozone, le tabagisme passif, le réchauffement climatique, à quoi s’ajoute la tentative de réhabilitation du DDT.

 

Entre parenthèses, au sujet de cette substance interdite depuis longtemps, mais pas partout, on peut lire dans Le Monde (supplément « Science et Médecine » daté 25 février 2015), le stupéfiant article de Stéphane Foucart et Pascale Santi, décrivant les effets du DDT, de longue date reconnu perturbateur endocrinien, sur la puberté de plus en plus précoce chez les petites filles : « ... le développement prématuré de la glande mammaire s'observe de plus en plus chez des petites filles entre 3 et 7 ans ». Et cet exemple n'est pas le plus gratiné : attendez-vous à mieux.  Je ferme la parenthèse.

 

Je ne vais pas résumer Les Marchands de doute, juste en retenir quelques aspects parmi les plus saillants. D’abord la définition de la démarche scientifique. Etant admis que l'interrogation est constitutive de la démarche scientifique, comment s'établit un certitude scientifique ? Je signale qu'un cheikh d'Arabie Saoudite, lors d'un prêche, je crois, a déclaré que la Terre ne tournait pas autour du Soleil (Le Canard enchaîné daté 25 février 2015).

 

Dans le principe, c’est excessivement simple et lumineux : un chercheur mène à bien une recherche sur un sujet lambda, avec la formulation de l’objectif, les hypothèses de départ, le protocole expérimental adopté pour tenter de vérifier l’hypothèse, pour finir par la rédaction du compte rendu de l’ensemble de la démarche, qui sera envoyé à une revue spécialisée, aux fins d’être évalué par un comité de lecture d’experts de la discipline (ce qu’on appelle une « revue à comité de lecture »).

 

Chaque membre du collège d’experts lit, annote, critique tel ou tel point, tente de reproduire la démarche telle qu'indiquée. Puis la revue renvoie au chercheur sa copie pour les corrections éventuelles. S’instaure alors un va-et-vient au bout duquel l’article est soit publié, soit rejeté. La publication vaut reconnaissance de la validité de toute la démarche.

 

Cette « évaluation par les pairs », quand elle aboutit au « consensus des experts », établit de ce fait même une « certitude scientifique ». Lorsque des dizaines (des centaines) de climatologues se sont mis d’accord sur les conclusions au sujet du réchauffement climatique, ce sont ceux qui contestent les conclusions qui, à 100%, ont tort. C’est ça, la science. Conclusion : les « climatosceptiques » qui se manifestent encore aujourd’hui sont au moins des ignorants, peut-être des menteurs. Probablement pire.

 

Cela n’a pas empêché les menteurs de sévir depuis les années 1950. Leur stratégie, quels que soient les thèmes, reste strictement la même : elle vise à empêcher le politique de prendre des mesures restrictives capables de nuire à leurs « affaires ». L’archétype du mensonge antiscientifique est constitué ensuite par les tactiques élaborées par les industriels du tabac, s’appuyant sur de puissantes agences de communication, pour contrer les lanceurs d’alerte, principalement des médecins, qui voulaient attirer l’attention des pouvoirs publics sur les dégâts de la fumée de tabac sur la santé publique.

 

Première étape : recruter des scientifiques, seuls capables, par leur fonction même, de donner de la crédibilité au discours. On ne va pas les corrompre directement, ce serait trop voyant. L’industrie a trouvé le truc : on va créer des « Fondations », des « Centres de recherche » et autres « Instituts », pour financer des laboratoires à même de valider les arguments de l’industrie.

 

Oreskes et Conway donnent les noms de quelques-uns des bénéficiaires de ces largesses intéressées : ce sont les mêmes qu’on retrouvera tout au long du livre, dans les différents dossiers. Moralité : peu importe la spécialité d'origine, le tout, c'est d'y avoir acquis une solide réputation, pour produire un effet de vitrine. L'intention n'est pas de convaincre la communauté des savants, mais de diffuser le discours le plus largement possible, pour orienter l'opinion publique par l'intermédiaire des médias de masse. Et par l'orientation de l'opinion publique, faire pression sur les décideurs administratifs et politiques, en haut de l'échelle. Car l'accès aux "revues à comité de lecture" est beaucoup plus difficile, pour éviter aux plaisantins et aux faussaires de sévir. Quand on y met assez d'argent, on a de quoi recruter assez de complices pour contourner le furieux obstacle qu'est la vérité scientifique.

 

La motivation des premiers savants impliqués était simple : il s’agissait de contrer le communisme par tous les moyens. On était en pleine guerre froide. Ce sont eux qui ont poussé l’administration américaine à favoriser la fabrication de l’arme atomique. Et puis on a généralisé le raisonnement : comme il s’agit de défendre le système capitaliste, seul adversaire fiable des « Rouges », il faut favoriser tout ce qui profite à la prospérité économique et à l'entreprise, et lutter contre tout ce qui risquerait de l’entraver. C’est ainsi qu’on passe de l’atome au tabac, puis aux pluies acides, au trou d’ozone et au reste.

 

Deuxième étape : s’introduire dans les sphères où se prennent les décisions, contacter et convaincre des gens dont la position est à même d’exercer une influence décisive sur ceux qui les prennent. Autrement dit : se rapprocher du pouvoir et acquérir dans son voisinage assez de poids pour orienter la politique du gouvernement dans une direction favorable aux intérêts de l’industrie. C’est ce qui définit le « lobbying ».

 

L’efficacité des groupes de pression ainsi mis en place n’est plus à démontrer. L’industrie du tabac, qui a commencé à être mise en cause dans les années 1950, n’a commencé à perdre des procès qu’à partir des années 1990. Quarante ans de gagnés. Au sujet du réchauffement climatique, le GIEC, ce consortium de centaines de climatologues reconnus, a fini par gagner. Mais avec un bémol de taille : « Scientifiquement, le réchauffement climatique était un fait établi. Politiquement, il était mort ». Comme par hasard, le Sénat américain avait adopté, trois mois avant la signature du « Protocole de Kyoto », une « résolution qui bloquait son adoption » (p. 352). 

ORESKES & CONWAY.jpg

J’arrête là. Ce livre épais (446 pages sans les notes) se lit comme un roman, parfois un polar. Irréfutable : ce n'est pas une fiction littéraire. De quoi rester atterré devant la « puissance de feu » que les industriels sont capables de déclencher quand il s’agit de défendre leurs intérêts. De quoi s’inquiéter en passant de l’incroyable perméabilité des hauts fonctionnaires européens aux influences des lobbyistes de toutes sortes de groupes privés, à commencer par ceux que Susan George, dans Les Usurpateurs (Seuil, 2014), nomme les ETN (Entreprises TransNationales).

 

La puissance organisatrice et régulatrice des Etats agonise. La Grande Privatisation de Tout (GPT) est en train de triompher. La Grande Privatisation de Tout (GPT) apprête et accommode le défunt "Bien Commun" à sa sauce. Elle s'apprête à bouffer l'humanité, qu'on se le dise.

 

Voilà ce que je dis, moi.

mardi, 24 avril 2018

LA VÉRITÉ SUR LE CLIMAT 4

4/4  

L’histoire produit son propre sens à l’insu de ses acteurs, y compris les plus éminents, les plus ardents, ainsi que ceux qui ont le don de voir le plus loin. L’essence et le destin du présent sont d’échapper à toute prise de l’esprit.

 

Vivre et savoir qu’on vit, ça se fait toujours en deux temps. Le présent et regarder le présent, ce n'est pas la même chose. C’est comme festoyer et prendre des photos du festin : les deux temps sont incompatibles. C'est comme les anciens manuels de philosophie de classes terminales : il y avait un volume pour "L'Action" et un volume pour "La Pensée". Fallait pas confondre. Celui qui prend les photos du mariage se met en dehors de la fête, sinon les photos risquent bien d'être ratées. Ce qui lui permet d'avoir une idée du taux d'alcoolémie et de sa progression au cours du repas. Lui seul voit à peu près où ça va.

 

Mais là l’humanité, dans son état d'ébriété avancée, n'a même pas commencé à apercevoir le mur du fond. De plus en plus de photographes et de témoins observent le festin et regardent l'humanité se goinfrer et ingurgiter tant et tant qu'elle s'intoxique au-delà du raisonnable. Ils commencent à s'inquiéter de voir le chiffre de l'éthylomètre global grimper vers des sommets jamais atteints. Le record de cette Polonaise arrêtée en Lorraine au volant de sa voiture, dans les années 1990, avec un taux de 9,4 g. (si, si !) par litre de sang, a sans doute été déjà battu. Je retarde : après consultation de quelques sites, je vois des chiffres de 10, de 11. Je vois même un 13,74 g/litre (comme par hasard, c'est en Pologne, comme quoi, les dictons ne disent pas toujours des fadaises – si le site est sérieux ! ).

 

L'humanité n'a même pas commencé à comprendre que, à force de s’approcher de plus en plus vite de la ligne d'arrivée, l’écrasement final devenait de jour en jour plus crédible et probable qu’une simple hypothèse de laboratoire, purement spéculative au départ.

 

Seuls les plus lucides ont commencé à pousser le cri du « lanceurdalerte », vous savez, ce curieux animal dont l’espèce a surgi dernièrement d’on ne sait quel croisement d’espèces plus sauvages les unes que les autres, qui effraie jusqu’aux chefs d’Etat les plus puissants, mais que ça n'empêche pas de dormir la nuit. Il faut croire que le cri du « lanceurdalerte » n'est pas assez glaçant. Peut-être aussi les gens sont-ils tellement gavés de films-catastrophes que leur conscience du danger s'en trouve émoussée : ils ont éprouvé, dans leur fauteuil de cinéma, tellement d'émotions violentes que, tant que la réalité qu'ils ont sous les yeux en sortant de la salle ne ressemble pas aux épouvantes qu'ils ont vues sur l'écran, ils sont hors d'état de sortir de l'état de sécurité rassurée qu'ils ont éprouvé quand le film s'est achevé et que les lumières se sont rallumées (sous-entendu : « On ne nous la fait pas, à nous, on a vu pire » ; sous-entendu : il faudrait que la réalité fasse un effort pour ressembler au pire de la fiction).

 

Pourtant, ceux qui ont entendu, un soir au fond des bois, le cri du « lanceurdalerte », rapportent l’intensité de la frayeur froide de la mort qui les a alors saisis, même si aucun n’est d’accord sur son identification. Est-ce que le « lanceurdalerte » caracoule ? Grumelle ? Peupleute ? Truisotte ? Margaude ? Roume ? Pupule ? Cageole ? Craque ? On peut vérifier le vocabulaire : suis-je capable d'inventer quoi que ce soit ? Toujours est-il que les avis divergent et que ce flou n’est pas fait pour rassurer les foules. 

 

C’est d’ailleurs pour ça qu’on organise des battues mondiales au « lanceurdalerte », qu’on le réprime, qu’on le condamne, qu’on l'enferme, quand on peut mettre la main dessus. Beaucoup en tout cas les étriperaient volontiers, sans doute pour se repaître de leur chair, bien que personne, aux dernières nouvelles, n'ait encore goûté à celles de Julian Assange ou d'Edward Snowden. Mais quelques imprudents et quelques naïfs s'en mordent aujourd'hui les doigts (LuxLeaks, SwissLeaks, ...).

 

Malgré tous les efforts pour étouffer les cris des « lanceurdalertes », de plus en plus de gens adhèrent à l’idée qu’il faut lutter contre le réchauffement climatique. Mais comment ? C’est là que ça devient amusant. Tout le monde est d’accord pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais personne ne pense être pour quelque chose dans la chose. Non, c’est ces salauds de « gaz à effet de serre » !  Qu’est-ce qu’on attend ? Si on les attaque, on n’en fera qu’une bouchée, c’est sûr.

 

C’est comme si les gaz à effet de serre venaient d’un autre système solaire. Des aliens, quoi. En cas de crise, l'étranger est un bouc émissaire commode. Extérioriser le danger est très utile, non seulement pour éviter de heurter la sensibilité des populations d'électeurs, mais aussi pour les rassembler derrière un étendard. Le sens des responsabilités, oui, mais n'exagérons pas : il faut se faire réélire.

 

Seuls les plus informés s’inquiètent de l’ampleur de « l’empreinte carbone » que leurs propres (pas si propres que ça après tout) activités laissent dans l’atmosphère. Et seuls quelques héros, petite élite illuminée, agissent en conséquence, et amorcent le mouvement de décroissance en commençant par eux-mêmes et se convertissent à la sobriété. Autrement dit : pas lourd. Insuffisant.

 

En fait, ils ne l'amorcent pas, ils l'"anticipent" parce qu'ils se disent  que, de toute façon, plus nous retardons le moment de la décroissance, plus celle-ci sera soudaine, brutale et violente. Ils ont sans doute raison. L'humanité prendra alors la mesure, "in vivo" et en direct, de ce que signifie l'expression "sélection naturelle" en vitesse accélérée. La guerre de 14-18, en comparaison, aura été un aimable amusement tirant en longueur. Enfin, on peut se rassurer en se disant que, plus il y aura de bouches à mourir, moins ça en fera à nourrir. Pardon, je sais que je ne devrais pas.

 

La plupart des gens, moi le premier, ne changent rien à leur façon de faire, tout en veillant, au mieux (et c'est mon cas), à être raisonnables au quotidien en ne consommant que le strict nécessaire, en y ajoutant la part absolument irréductible de superflu, celle qui donne à l’existence les couleurs, les sons, les parfums, les saveurs, enfin tout ce qui fait qu’on a envie de mourir le plus tard possible.

 

Oui, je suis indécrottable, mais je me console en me disant qu’il y a pire que moi et que, finalement, mon « empreinte carbone » représente l'infinitésimale partie d’une minuscule virgule d’atome perdue dans le magma du texte de l’acte d’accusation que la planète (Gaïa) a depuis quelques dizaines d’années commencé à dresser contre les activités humaines. Je pense ici à Isabelle Stengers et à sa formule « l'intrusion Gaïa » (dans Au Temps des catastrophes, après La Sorcellerie capitaliste).

 

Ce qui frappe, c’est l’impavidité de tous ces responsables (viande de qualité mafieuse) des nations terriennes qui se disputent pour savoir qui doit commencer par réduire ses rejets de CO2 dans l’atmosphère, mais qui s’entendent comme larrons en foire pour refuser de remettre en question le principe même du développement et de la sacro-sainte croissance pourvoyeuse d'emplois (paraît-il) : les riches ne veulent rien perdre, les pauvres veulent les rejoindre, quoi de plus normal ? C’est ainsi, aujourd’hui, qu’on mesure les progrès de la démocratie dans le monde. Paraît-il. Crevons donc ensemble, mes frères.

 

La Terre suit sa logique : elle prépare l'addition, et soyons sûrs qu'elle n'oubliera rien. Celui qui veut se « développer » est doté d'un appétit de combustible proprement gargantuesque, sans parler de toutes les matières qui entrent dans les ingrédients du dit développement. La Chine, à ce titre-là, fait la course en tête. Appelez-le « développement durable » si ça vous amuse, la Terre comptabilise. Car la logique ne change pas, et reste celle d’un développement de prédation : extraire, produire, fabriquer, vendre, consommer, jeter, excréter. Gare au moment de payer : la douloureuse sera salée.

 

« Energie », fossile ou non, c’est le fin mot (le mot de la fin ?) de la civilisation qui est la nôtre. Il se trouve que c’est aussi la mienne, et que je n’ai aucune envie de lorgner vers d’autres sagesses (yogis, gourous, lamas, bouddhas, chamans, mystiques, derviches tourneurs, … la liste est interminable) que celles qu’elle nous a léguées. Je trouve déjà le paquet bien assez volumineux à digérer.

 

La planète est décidément tout sauf raisonnable d’avoir donné naissance à l’espèce humaine (j'avais trouvé cette idée formidable dans Malicorne, d'Hubert Reeves, 1990). Notre civilisation est sans doute une erreur fatale, mais c’est la mienne, et je persiste à la revendiquer comme telle. Or, on le sait : « Errare humanum est » (ne pas traduire : l'homme est une erreur, quoique ...). Ne comptez pas sur moi pour chanter en chœur le refrain : « Il faut sauver la planète ». Je l'ai dit, je ne suis pas militant écologiste. Tout juste accepterais-je d'être considéré comme un « mirlitant ».

 

Gilles Bœuf lui-même, cet ardent spécialiste qui sait tout sur la biodiversité, avoue que, autour de la trentaine, il en a eu marre de partir en guerre contre les moulins à vent (ce sont ses termes), et il a décidé, pour compenser, de consacrer toutes ses forces et toute sa science au développement et au perfectionnement de sa spécialité. Ce qui effraie, dans cette affaire, c'est qu'on a le choix entre "attaquer les moulins à vent" et "tomber dans l'oreille des sourds".

 

La planète est une écervelée. Elle n'avait qu'à faire comme Plick et Plock : réfléchir avant d'agir. Bien fait pour elle. Et en passant : bien fait pour l'humanité !

 

Car c'est trop tard, le mal est fait. Il est temps de réciter des poèmes. 

 

Comme disait Desproges (qui se savait condamné) : « Vivons heureux en attendant la mort ». Je plains juste les vivants qui viennent après nous.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

FIN

lundi, 23 avril 2018

LA VÉRITÉ SUR LE CLIMAT 3

24 décembre 2014

 

3/4

 

Le malheur du monde, à dire les choses de la façon la plus cynique, est venu de la démocratisation (le mythe du "tout le monde a droit au développement", qui suppose éhontément que les pays "développés" ont trouvé la Voie du Vrai). Nous devons le réchauffement climatique, on ne le dira jamais assez, à ces maudits "droits de l'homme". Si le seul petit milliard (même pas) d’humains vivant à l'aise auquel j’appartiens avait continué à piocher dans la caisse planétaire pour se gaver, tout aurait pu continuer comme devant. La misère du plus grand nombre aurait permis d'endiguer la pollution. Mais voilà, il y a ce satané esprit de justice et son furieux souci d’égalité.

 

Pour poursuivre dans le cynisme abject, si « l’occident » avait gardé son opulence pour lui, tout aurait continué à baigner dans l’huile (au moins pour quelque temps). Et j’aurais continué à donner un peu d’argent chaque année – par « charité » – pour les « pays du tiers-monde ». Mon égoïsme naturel n’y aurait rien trouvé à redire. Une vraie dame patronnesse, je vous dis.

 

Mais la consommation est devenue un droit universel (« détruire» est l'un des sens de « consommer », depuis la confusion induite par le latin chrétien – vous savez, tous ces racontars autour de la "parousie" – entre "achèvement des temps" et "fin du monde"). Le confort à l’américaine est le Graal unique de sept milliards d’hommes. C’est de ce fantasme de « la croissance pour tous » que la planète est en train de crever. Bon, c’est vrai qu’en y regardant de plus près, on pourrait se dire aussi que la « démocratisation », la « justice », l’« égalité » et tous les grands principes ont bon dos.

 

C’est sûr, pour s’enrichir, le marchand ne doit pas cesser de vendre. Rien de mieux pour cela que de « s’ouvrir de nouveaux marchés ». Et pour cela, de tout faire pour que des « classes moyennes » (expression devenue le synonyme assez exact de « consommateurs », c'est-à-dire tous les gens sans pouvoir réel de décision politique autre que le bulletin dans l'urne, mais disposant de quelques ressources financières, étroitement tenues en laisse, et seuls en mesure de développer ce que les économistes appellent des « marchés intérieurs ») émergent et se développent dans le monde entier. Développer les pays pauvres, c’est inventer les milliards potentiels des futurs acheteurs qui accroîtront la fortune de ceux qui ont quelque chose à vendre. Ford lui-même tenait à ce que ses ouvriers eussent les moyens d’acheter ses voitures et les payait en conséquence.

 

Ecoutez-les, tous les alligators, parler avec des trémolos dans la voix de l’Inde et de la Chine, où le phénomène « classes moyennes » est récent mais perceptible. Ecoutez-les se faire les promoteurs acharnés de la lutte contre la pauvreté, la misère. Ecoutez-les s’apitoyer sur le sort de ces pauvres Burkinabés, qui « vivent avec à peine quelques dollars par jour ». Et au Malawi, il paraît que c’est avec un seul dollar. On dirait presque que, pour quelques dollars de plus donnés à un plus grand nombre de gens sur Terre, tous les très riches qui ne les leur donnent pas éprouvent des joies incomparables.

 

Belle motivation, en vérité, que la lutte contre la misère, quand elle est menée dans l’espoir de transformer les assistés actuels en clients à venir. De leur donner le moyen de gagner du pognon pour pouvoir ensuite le leur piquer en leur vendant des biens de consommation auxquels ils les ont fait rêver par avance : c'est du moyen terme, mais le procédé est infaillible, et l'investissement rentable. Cela s'appelle le "développement économique". Le loup marchand de soupe s'est déguisé en agneau démocrate et altruiste pour entrer dans la bergerie au trésor. De la moitié gauche de la bouche, il appelle ça "venir en aide aux déshérités", de la moitié droite, "créer de la richesse en travaillant à la prospérité générale". Pour y arriver, il faut juste l'entraînement spécial du "Bretzpo", cette géniale invention du génial Franquin (dans QRN sur Bretzelburg), qui est capable de crier en même temps qu'il actionne son sifflet.

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Comme dit le commentaire : "Essayez voir !".

Nous sommes nous-mêmes des clients enchaînés aux produits que nous jugeons indispensables à notre vie. Pour quelle raison croyez-vous que les sociétés européennes sont toutes de droite ? Pourquoi la gauche elle-même a-t-elle viré à droite ? Mesurez donc les scores des gauches aux élections (et ça ne s'est pas arrangé en Europe depuis la rédaction de ce billet). Et dites-vous que nos populations ont acquis une mentalité de propriétaires, donc d'assiégés potentiels. Voyez les islamistes radicaux : on est révolutionnaire quand on n’a plus rien à perdre. Les occidentaux (soit dit pour mettre tous les "plutôt riches" dans le même sac) ont encore, presque tous, trop à perdre pour prendre des risques personnels (voyez pour cela la réaction électorale d'un nombre croissant d'Européens face au problème des migrants).

 

Quand on n'a aucune envie de perdre quoi que ce soit de ce qu'on possède, et qu'on n'est pas prêt à prendre le moindre risque¹, on est forcément de droite, classe ouvrière comprise. Ce qui ne veut pas dire que les fascistes islamistes sont de gauche, évidemment. Et je le dis sans fierté particulière, mais sans honte non plus : de ce point de vue, je suis sans hésitation de droite. S'agissant de sécurité matérielle, je fais partie de ceux qui ne sont (en gros) ni à plaindre ni à envier, je me contente et je ne tiens pas à ce que ça change. 

 

Et regardez l’Europe. Pas besoin de s’interroger sur les causes de la droitisation générale du continent (même en Suède !), au rythme effréné où elle se fait dépouiller de tout ce qui a fait sa « splendeur ». Ils ont commencé avec la production industrielle (les « délocalisations », qui ont consisté à vendre nos capacités industrielles aux Chinois pour faire plaisir aux actionnaires : compression des coûts, salaires réduits, rentabilité élevée, transferts de technologie, déchaînement des échanges internationaux, ...).

 

Et ça a continué avec la dégringolade promise de ses richesses, de son travail, de ses identités nationales (les Français étant les plus impatients de brader la leur, de se déguiser en sous-produits américains et de gober tout cru tout ce qui nous vient des Etats-Unis, idées et idéologie comprises). L’Europe devient un Eldorado au moment précis où sa faiblesse devient criante, même aux yeux des plus pauvres, qui prennent d’assaut cette « forteresse » devenue un énorme ventre mou, à piller impunément. En vérité, je vous le dis : l'Europe sera pillée. Impunément. On en est encore loin, mais pas tant que ça.

 

Je reviens à la conquête des « nouveaux marchés » (ex-pays pauvres). Ils font bien les choses, les marchands : ils envoient en avant-garde les prestataires de services humanitaires, organisations caritatives, médecins dans frontières et autres généreux experts en discours s’adressant directement au cœur, aux sentiments, aux émotions des gens qui ont encore un peu de pognon. Même Bill Gates consacre une part de son énorme fortune au « développement des économies des pays pauvres ».

 

Tu parles, il faut surtout penser au développement des marchés futurs. Pas bête. Et puis c’est vrai, après tout, de quel droit refuserait-on à un humain les bienfaits du smartphone, de l’écran plat et du four à micro-ondes ? C'est aussi ça, le souci démocratique de la justice et de l'égalité : l'accès à l'hypermarché. A ce propos, il ne faut jamais résister à la tentation de citer Alexandre Vialatte.

 

« La vie, naguère, était dictée par le décalogue, l’opinion des voisins, les snobismes locaux et les ouvrages de la baronne Staffe. Elle laissait assez de place à l’homme pour se livrer, par le moyen de quelque gymkhana exécuté entre ces tabous, à la vertu, au dévouement, à l’adultère mondain, au dressage des bassets, à l’assassinat des caissières, au trépas sur les champs de bataille, bref pour avoir une âme immortelle et en faire un usage grandiose et personnel. L’homme avait le droit d’être sublime ou sordide. Sa vie était un jeu dramatique et passionnant. 

 

Adieu ces libertés et ces exaltations ! L’homme a perdu le loisir charmant de falsifier un testament, de lire Montaigne ou de tuer des petites filles. Il ne s’agit plus aujourd’hui que d’obtenir la blancheur Cerfeuil, de sourire Kibrille et de vivre Marie-Chose. On n’a plus le temps que d’être un client. Et d’obéir aux magazines. La conduite de l’homme est dictée par le réfrigérateur Machin, le bloc-évier, la poubelle à pédale. Il est vaincu par ses conquêtes. C’est le bagnard de l’appareil électroménager. » La Montagne, 18 février 1968.

 

Que conclure de mon petit raisonnement ? Un certain Henri Provisor avait trouvé une formule percutante, pour un livre dont je ne me rappelle que le titre, Le Rôle des mécanismes aveugles dans l’histoire qui se fait (IREP, 1998). L’expression « mécanismes aveugles » convient ici à merveille. Personne n’est en mesure de savoir à l’avance le rôle que ses actions auront joué dans l’histoire en train de se faire.

 

Personne n’échappe à l’implacable loi : tout le monde est en dessous de la conscience historique, à commencer par les acteurs qui rêvent d'écrire le scénario de l'avenir et de peser de toutes leurs forces pour influer sur son cours et préserver leurs intérêts. Tout le monde est aveugle, personne ne maîtrise le processus. Corollaire accessoire : il ne saurait y avoir de complot. Il n’y a pas de "gouvernement invisible".

 

Cela dit, qu'il n'y ait pas de complot ne veut pas dire qu'il n'y a pas de comploteurs, authentiques ou fantasmés (francs-maçons, juifs, islamistes, groupe Bilderberg, Tricontinentale, CIA, lobbies divers (industries agro-alimentaires, chimiques, financières) et tutti quanti ...). Mais même eux n'ont finalement aucune idée de l’impact final précis de leurs menées et de leurs agissements sur le destin du monde. Faire pression sur les gens au pouvoir ne signifie pas forcément atteindre les objectifs qu'on s'est fixés.

 

Il n’y a pas de gouvernement mondial (ce dont certains accusent le groupe Bilderberg). Tout juste des Susan George peuvent-elles voir (Les Usurpateurs, Seuil, 2014) dans le forum de Davos une préfiguration de ce « gouvernement invisible » qu’appelait de ses vœux, dès 1928, Edward Bernays, le père des procédés de manipulation mentale par la publicité (le modèle restant sa campagne pour les cigarettes Lucky Strike). Le livre de Susan George n'est pas dénué d'arguments percutants. Et pas drôles du tout. Dans la nasse, on est, d'après elle. Je suis hélas obligé d'être assez d'accord.

 

A ce propos, je reste toujours stupéfait devant les pirouettes finales auxquelles se livrent des auteurs sérieux pour clore des ouvrages sérieux « sur une note d'optimisme». C'est ainsi que, obsédé par l'exigence de finir son livre en « happy end», Lewis Mumford, dans Les Transformations de l'homme, après avoir dressé un tableau accablant et terrifiant de la marche du monde et de la mécanique infernale qui le promet à une destruction à venir, opère un retournement aussi soudain que cocasse dans les deux derniers chapitres en abandonnant le pessimisme de sa « possibilité théorique» au profit d'une « probabilité historique» infiniment plus souriante et rassurante (on trouve cette pirouette intellectuelle proprement ébouriffante p. 177).

 

C'est encore le cas, paraît-il, du dernier ouvrage de la Canadienne Naomi Klein, dont la critique radicale du capitalisme est bien connue de ceux qui la connaissent. C'est Jean-Pierre Dupuy qui en parle dans un numéro récent du Monde, évoquant un « tour de passe-passe» qui fait d'une nécessité une certitude : « De "nous ne pouvons nous sauver qu'en sortant du capitalisme", [elle] déduit "nous allons en sortir". Alors que tout montre que nous sommes plus éloignés que jamais de cette issue». Lui au moins accepte de ne pas prendre sa vessie pour une lanterne et ses désirs pour des réalités. Je suis bien d'accord avec lui. Mais personne, à commencer par ceux qui ont gardé une « âme d'enfant », ne renonce aisément à l'espoir.

 

De mon côté, j'en ai assez entendu, des prophètes qui, d'un côté, nous serinent que tout va de mal en pis, et de l'autre psalmodient leurs incantations contre le mauvais sort : « Tout est encore possible, pourvu que nous en ayons la volonté ! ». Tout le problème, il est dans l'identité de cet improbable "nous" qui est invoqué à propos d'une tout aussi improbable "volonté". Moi je rétorque : va donc, eh, patate !

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Texte notablement révisé, corrigé et mis à jour le 22 avril 2018.

 

Note ¹ : tout le monde n'est pas Albéric Magnard, ce compositeur français dreyfusard, qui est mort en 1914 pour avoir accueilli les Allemands les armes à la main pour défendre son manoir de Baron (Oise).

dimanche, 22 avril 2018

LA VÉRITÉ SUR LE CLIMAT 2

Cette série de billets a été écrite bien avant que le nouveau (et présent, hélas) président américain soit élu (2016) et décide unilatéralement de retirer la signature des Etat-Unis des accords sur le climat conclu à Paris (2015) sous l'égide de François Hollande et de Laurent Fabius. Je l'ai déjà dit ici il y a quelques jours, Donald Trump n'a nul besoin d'être sincèrement climatosceptique pour dénoncer le consensus majoritaire des Etats de la planète : il lui suffit d'être un adepte fanatisé de la religion "America first" et un militant aveugle de la puissance américaine (militaire, industrielle, "soft power", etc.), qu'il rage aujourd'hui d'être obligé de partager, en premier lieu avec la Chine. 

 

 

23 décembre 2014

 

2/4

 

Même les politiques planétaires sont d’accord sur ce qu’il faut faire : limiter le dégagement atmosphérique des désormais célébrissimes « gaz à effet de serre », mais en disputant à tous les autres la palme de champion dans la course de lenteur. Tout le monde est d’accord, mais déploie des trésors de politesse pour laisser passer tout le monde avant lui dès qu’il s’agit de prendre des mesures concrètes : « Après vous, je vous en prie. – Mais pas du tout, je n’en ferai rien ».

 

Pourtant, la solution est là, à portée de main. Elle crève les yeux. Mais elle les crève si bien qu’elle échappe aux regards les plus attentifs et perspicaces. C’est très simple : pour résoudre un problème, il faut remonter à sa cause. Une fois celle-ci identifiée, c’est encore plus simple : il faut la supprimer. Résultat : plus de cause, plus de problème. C.Q.F.D. Le problème, c'est que la cause, personne n'a envie de la supprimer, dès lors qu'il tire quelque profit du problème lui-même. Ce qui est le cas, en général, des populations des pays développés (confort, facilité, conditions de vie, l'eau, les machines, ...). Moi compris.

 

La cause ? En un mot comme en cent : les activités humaines modernes. Pas toutes : seulement celles qui consistent à brûler de toutes les manières possibles toutes sortes de matières, qui servent à faire tourner toutes sortes de machines, qui servent à produire toutes sortes de produits, qui servent aux hommes à toutes sortes de choses, comme se nourrir, se loger, se déplacer, etc. Mais aussi (et essentiellement) à faire toutes sortes de choses inutiles, voire nuisibles. Tout ça fait déjà beaucoup. Il n'y a pas cent réalités, il y en a une : pour nous faciliter la vie, il nous faut des machines ; pour faire fonctionner les machines, il faut de l'énergie. 

 

Pour résumer, la cause du réchauffement climatique est à chercher dans tout ce que nous appelons nos « conditions matérielles de vie », au moins dans les pays dits "développés". Sans être si peu que ce soit un luddite (d'un nommé Ludd, qui aurait conduit un mouvement d'ouvriers anglais à détruire des métiers à tisser en 1780) acharné attendant fiévreusement de les détruire, j'observe que les machines (avec leurs moteurs gourmands), voilà l'ennemi public n°1 de la planète. Toutes, sans exception, y compris celles dont je ne peux ni ne veux me passer. A la limite, on pourrait dire que, même sans l'avoir voulu, je participe activement à la destruction, rien qu'à cause des éléments de mon confort quotidien et de la façon dont je m'approvisionne pour le faire perdurer. 

 

Notre mode de vie tout entier, qui est la cause directe du réchauffement climatique, n'a été rendu possible que par l'avènement de la machine, devenue toute-puissante, avec son amant infernal et maudit : le combustible qu'il faut mettre dans son moteur. Les savants appellent ça « réchauffement d’origine anthropique ». Nous menons des existences de goinfres : nous engloutissons la planète morceau par morceau. Et les morceaux ne cessent de croître en taille et en nombre. Mais comme chacun de nous pris individuellement n'en dévore qu'un fragment infinitésimal et qu'il est impossible de se représenter au milieu de sept milliards d'autres pareillement occupés, le dégât global a bien du mal à nous entrer dans la conscience.

 

C’est vrai que le bruit court que nous sommes de plus en plus innombrables (est-ce bien raisonnable, docteur ? Je pose la question aux « progrès de la médecine », auxquels nous devons la bombe démographique), et que chacun a tendance à se servir de ce qu’il a sous la main pour se maintenir en vie, lui et les siens, et si possible améliorer son sort. Comme devrait dire le proverbe : « Plus on est de fous, plus le gâteau rétrécit ». Encore, si seulement chaque humain perdait du poids au fur et à mesure ... Mais non, au contraire. Voyez l'appétit des obèses. Et c'est toute l'humanité prise dans sa globalité qu'il faut considérer comme obèse. Et combien d'individus ont la conscience assez aiguë pour savoir qu'ils appartiennent à ce que Robert Antelme appelait L'Espèce humaine, s'ils savent seulement ce que l'expression peut bien signifier ?

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Maintenant, écoutez-les, les maîtres d'aujourd'hui. Les avez-vous entendus dire quelque chose de ce genre, dans les conférences internationales et les « Grenelle de l’environnement » ? Non. Puissants des nations et des multinationales – ces larrons en foire – s’entendent à merveille pour refuser de choquer les populations en les prenant à rebrousse-poil, et pour se contenter de proclamer leur grandiose intention d’en finir définitivement avec le réchauffement climatique, vous savez, cet épouvantail à la silhouette finalement assez vague pour que tout le monde se dise que non, il n’y a aucune urgence. Pour avoir l'unanimité, la condition "sine qua non" est de s'entendre sur le dénominateur commun le plus petit possible, pas de s'attaquer aux vraies causes du problème. 

 

Nous avons tout le temps de prendre notre temps : les images du réchauffement et les effets des changements qu'il entraînera fatalement sur nos modes et nos conditions de vie défilent avec tant de lenteur sur l'écran, qu'il est devenu un objet du quotidien, je dirais presque : un bibelot déprécié, relégué dans un coin obscur de notre champ de vision, et qu'on aperçoit à peine. Pratique, finalement, cet épouvantail du réchauffement planté au milieu du champ médiatique universel : à force de le voir dans le paysage, les petits oiseaux prédateurs que nous sommes se sont familiarisés avec l’air revêche du bonhomme, sur les épaules duquel ils viennent désormais en toute confiance après chaque orgie pillée sur « la ressource », pour se reposer ou faire leurs besoins.

 

Le « réchauffement climatique » est désormais une fable très anodine, un slogan, une rengaine. Il fait partie du paysage. On fait avec. Autrement dit, les responsables ont décidé de ne rien changer. Pas question de bouleverser nos habitudes et de remettre en question nos avantages si durement acquis !

 

Ce fut d’ailleurs une des premières grandes affirmations de George W. Bush après le schproum du WTC le 11 septembre 2001 : « Personne au monde n’arrivera jamais à modifier en quoi que ce soit le mode de vie des Américains » (je cite en substance). Tout le monde sait que c’est précisément ce mode de vie qui provoque la hausse généralisée des températures, mais personne ne tient à perdre son poste à hautes responsabilités et grosses rémunérations en disant la vérité. La démocratie élective et représentative est à ce prix : le mensonge. De toute façon, celui qui la dirait, cette vérité, se ferait aussitôt étriper par la foule (« Le premier qui dit la vérité, Il doit être exécuté », Guy Béart, 1968).

 

Et pas question de revenir en arrière, n’est-ce pas : « Vous voulez revenir à la bougie ? ». Non, je ne veux pas revenir à la bougie. Les bougies, j'en garde en réserve, en cas de panne d'électricité. Moi je suis d’accord, grosso modo, avec cette façon de vivre : je n’en ai pas connu d’autre, et je n’en veux pas d’autre.

 

Mais je n'abuse pas et ne suis pas particulièrement exigeant : garder une bonne température ambiante chez moi, les légumes au frais, quelques réserves « au cas où » dans le congélateur, une machine pour laver le linge, une pour la vaisselle, des magasins pas loin pour approvisionner : il n’y a pas à dire, je tiens très raisonnablement à mon confort. Je tiens à mon mode de vie. Pas plus, pas moins. Et je ne reconnais à personne le droit de m’en imposer un autre. Oui, je suis complice. Pas fier de l’être, mais pas honteux non plus. C’est ainsi, je constate. Je ne suis pas un militant écologiste.

 

Le cancer des abus et de la déraison n'est pas de mon fait, mais à chercher du côté des armées de la finance et du profit, du côté de la technique et de la confiance aveugle dans ses innovations pourvoyeuses de « progrès ». Cette prolifération cancéreuse découle de la course précipitée à laquelle se livrent les grands conglomérats, ces nouveaux empires aux dimensions de la planète, qui ont réduit l'idée de mondialisation à sa plus simple expression de féroce compétition et de guerre impitoyable entre humains, quel que soit le prix en vies humaines à payer (l'isocyanate de méthyle de l'Union Carbide à Bhopal, trente ans après la catastrophe, continue à tuer).

 

Moi, pour mon compte, je plaide coupable ET non coupable. Je participe, certes, mais non, je refuse d'être pour quelque chose dans la destruction. C'est comme ça que j'ai toujours vécu, et il faudrait que j'y renonce maintenant ? Mais franchement, quel être raisonnable serait prêt à faire un tel sacrifice ? Pas moi. Et je ne suis pas le seul. Et c'est bien ça, le problème.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Texte notablement modifié (notamment dans sa conclusion) le 21 avril 2018.

samedi, 21 avril 2018

LA VÉRITÉ SUR LE CLIMAT 1

Série de billets un peu bavarde : je n'écrirais plus comme ça, j'irais plus direct aux faits. Mais bon, c'est vous qui voyez. Et vous en faites ce que vous voulez, s'il est seulement possible d'en faire quelque chose. 

 

A propos de catastrophisme, je suis allé voir le blog de Paul Jorion (à propos de Wallerstein, Le Capitalisme a-t-il un avenir ?), toujours impeccablement pertinent quand il s'agit de dresser le constat et d'analyser le phénomène observé, mais franchement délirant quand il parle des perspectives d'avenir ou des solutions envisageables ("pour empêcher que ...") : dans son volontarisme politique effréné, il entrevoit, par exemple, la possibilité future d'une société sans argent. Mais il invite aussi les gens à venir avec des idées nouvelles et leurs désirs d'une vie nouvelle. Il pense aussi que si les gens qui remettent en cause le système et veulent "vivre autrement" sont en assez grand nombre pour atteindre une "masse critique", tout est possible. Ma foi, pourquoi pas, mais rien qu'à NDDL (Notre-Dame-des-Landes), combien de pelés ? De tondus ? Une masse critique, vraiment ?

 

Allons donc ! Ce que j'ai surtout envie de lui dire, à Paul Jorion, c'est : « Arrête de rêver, Paul ! Et commence par cesser de prendre ta vessie pour une lanterne  : tu risques de te brûler ! ». Paul Jorion ? Je vais vous dire ce que je pense de lui : le regard le plus acéré que je connaisse, doublé de capacités d'analyse hors du commun, mais qui se perdent ensuite dans les dérives imaginaires de l'optimisme de l'action. Il croit à la possibilité de réalisation de ses désirs, et du coup le tapis volant de ses désirs parfumés l'emportent trop loin de l'humanité réelle pour qu'il ait seulement conscience du poids incommensurable à porter que constitue le peu de conscience que l'humanité actuelle a de son propre avenir.

 

Le cœur serré, je dis "Adieu" à Paul Jorion. Parce que je crois en fait qu'il faut dire "Adieu" à l'espoir. Qui aura le courage de se mettre à dos l'humanité souffrante en lui disant qu'elle n'a plus rien à espérer ? J'en ai plus qu'assez de l'autosuggestion incantatoire et des slogans popularisés en leur temps par des fantoches : « Yes we can ! », « Ensemble tout devient possible ! », « Le changement c'est maintenant ! » ! C'est le radical et regretté Günther Anders qui critique Ernst Bloch : « Il n'a pas eu le courage de cesser d'espérer » (on trouve ça dans L'Obsolescence de l'homme, II, éditions Fario)..

 

Note ajoutée le 20 avril 2018 au soir (et complétée le 21).

 

 

22 décembre 2014

 

1/4

Le réchauffement climatique ? Vous voulez que je vous dise ? Tout le monde sait, personne ne veut faire. Le diagnostic, tout le monde est d’accord (à part quelques doctrinaires endurcis du genre Claude Allègre, le pauvre, il est bien malade, paraît-il) pour dire qu’on court à la catastrophe.

 

Personne ne veut de la conclusion logique du constat : en finir avec le luxe outrecuidant dans lequel se vautre une partie de plus en plus ample de l’humanité depuis l’aube de l’âge industriel (en gros : deux siècles). Et dans lequel les « émergents », les « en développement » et les « PMA » (ça ne veut pas dire je ne sais quoi d'à la mode en rapport avec la procréation, mais « Pays les Moins Avancés ») trépignent d'impatience de se vautrer bientôt à leur tour. Tout le monde veut sa bagnole, sa clim', ses frigo-congel-télé-smartphone-micro-onde. Allons-y gaiement. Le mode de vie à l'américaine de 300 millions d'individus étendu à 7.000 millions (multiplication par 23).

 

Un seul remède au réchauffement climatique : cesser de piller les ressources de la planète en combustibles fossiles et autres matières premières destinées à nos appareils, machines et autres gadgets que seule la vieille habitude de les avoir toujours connus nous a amenés à considérer comme utiles, nécessaires, indispensables. Naturels, pour ainsi dire.

 

Ce n’est pas de diminuer les émissions de gaz à effet de serre que l’humanité à besoin si elle veut sauver la planète, c’est de les supprimer complètement, car même en restreignant à +2°, la planète va continuer à réagir. L'expression « développement durable », complaisamment véhiculée par les esprits qui se disent lucides et responsables, n'est que le cache-sexe de l'hypocrisie et de la lâcheté. Car il faudrait en vérité renoncer, purement et simplement. Renoncer à vivre au-dessus des moyens de la planète. Pour la sauver en même temps que soi-même, un seul moyen pour l’humanité : redevenir humble, si elle le fut jamais un jour.

 

Et l’humanité n’est pas humble, moi le premier : je veux toujours pouvoir allumer la lumière en appuyant sur un bouton en rentrant chez moi le soir, faire laver mon linge et ma vaisselle par des machines, emprunter l’autoroute pour aller visiter la famille et les amis aux « quatre coins » de l'hexagone ou aller me délasser de onze mois de stress en passant le douzième à la montagne ou à la mer. Comme François Hollande, je suis un humain « normal ». En l’occurrence un « Francémoyen ». Comme tout le monde : plutôt crever que de perdre une parcelle de confort.

 

Pourquoi ce début de diatribe ? C’est simple : à chaque ligne, mon journal bruit (3ème personne du singulier du malheureux abandonné verbe bruire, régulièrement estropié par les journalistes, dont l’ignorance crasse le ramène régulièrement à un vulgaire verbe du 1er groupe, en disant sans prendre des coups « la ville bruisse bruit ») des rumeurs les plus folles : fontes des glaciers alpins et himalayens, de la banquise, de la calotte glaciaire du Groenland et de l’Antarctique ! Le Côtes du Rhône au Spitzberg, c'est pour bientôt ! Les poissons et les fleurs migrant vers le nord pour retrouver l’eau froide et l’air frais qui leur conviennent ! Les cyclones succédant aux tornades lancés à la poursuite des typhons qui courent après les ouragans ! Réchauffement climatique par-ci ! Réchauffement par-là ! Les gens de radio n’ont que ce mot à la bouche en ce moment.

 

Je laisse de côté le pillage des forêts primaires en Amazonie, à Bornéo et au Guatemala pour les remplacer par des kilomètres carrés de soja OGM ou de palmier à huile. Je laisse de côté les usines à bestiaux et la stérilisation des sols par l’agriculture chimique, mécanique et industrielle. Je laisse de côté la pollution antibiotique massive des viandes que nous mangeons. Je laisse de côté les phosphates, bisphénols, glyphosates, néonicotinoïdes, phtalates et autres perturbateurs endocriniens dont sont gorgés nos aliments, et dont certains font changer de sexe les poissons de nos rivières (en attendant mieux). Allez, je suis bon prince : je laisse aussi de côté les particules fines.

Je ne vais pas non plus énumérer les preuves du réchauffement de l’atmosphère sous les coups du CO2, du CH4 et, pourquoi pas du NF3 (charmante créature, 17.000 fois plus puissante que CO2, son petit copain de bac à sable, qui apparaît dès qu’on cause de cristaux liquides, de cellules photovoltaïques, d’écrans plats, de micro-circuits électroniques, … enfin, tout ce qui fait « dernier cri »). 

C’en est au point que le simple mot « réchauffement » a désormais acquis la stature démesurée d’une star mondiale, sur le destin de laquelle le « concert des nations » vire au même étripage cacophonique que celui auquel avait donné lieu la première de Déserts, d’Edgard Varèse, en 1954 au théâtre des Champs-Elysées. Au point même d’en occulter le drame véritable qui se joue derrière le « gros doigt grondeur » d'un mot derrière lequel il est devenu si commode de se cacher l’énorme vérité. 

 

Seuls quelques allumés du cigare à vapeur (de contrebande) s’obstinent à contester l’évidence : la Terre se dirige plan-plan vers l’été perpétuel. Combien de degrés en plus attendent l’humanité au coin du bois pour lui faire le coup du père François ? Deux ? Quatre ? Davantage ? Les experts débattent. Les politiques bêlent de grandes intentions et de bons sentiments (rappelez-vous Chirac : « La maison brûle, et nous regardons ailleurs »).

 

Voilà ce que je dis, moi.

jeudi, 12 avril 2018

CONTRE LA VÉRITÉ, LA CONTROVERSE

5 novembre 2011

 

Ou : « Comment fausser un débat scientifique ». 

 

Petit 1 – On sait désormais, depuis qu’a éclaté l’affaire Servier, que l’industrie pharmaceutique dans son ensemble prétend œuvrer au bénéfice de la santé des populations, alors que le premier bénéfice visé est d’ordre actionnarial : ce n’est pas l’efficacité sanitaire qu’on cherche, mais la rentabilité, le rendement par action, la profitabilité, les bénéfices, bref, les picaillons, la fraîche, le flouze, le pèze, la brocaille, et tout ce qui est convertible en or. 

 

Remarquez, on le savait déjà depuis, par exemple, le travail de Philippe Pignarre (Le Grand secret de l’industrie pharmaceutique). On sait d’ailleurs que cette industrie est de plus en plus incapable de découvrir ou d’inventer de nouvelles molécules efficaces, comme si, pendant que le rendement des investissements en Recherche et Développement tend vers zéro, les profits, eux, tendaient vers l’infini. 

 

Le Monde diplomatique, dans un numéro déjà ancien, avait publié un article génialement intitulé : "Pour vendre des médicaments, inventons des maladies". La logique de l'industrie pharmaceutique est prioritairement la logique de l'actionnaire. C'en est au point que la production de certains médicaments ou "génériques" dégage des marges tellement faibles qu'elle est purement et simplement abandonnée.

 

Petit 2 – On sait maintenant, au sujet d’entreprises comme Monsanto,  Syngenta (Novartis), Pioneer Hi-Bred, Bayer CropScience, que les industries biotechnologiques, qui prétendent avoir pour objectif la suffisance alimentaire de l’humanité en 2050, visent essentiellement à s’assurer ad vitam aeternam une rente viagère monstrueuse, une fois qu’elles auront breveté toutes les semences génétiquement modifiées par leurs soins, autrement dit une fois qu’elles se seront approprié tout le vivant. 

 

Quelle que soit la validité des études scientifiques qui promeuvent ce genre de semences, validité dont il est légitime a priori de douter, la principale objection à faire à l’usage généralisé des O.G.M. est d’ordre économique et moral et en bout de course, politique. Qui oserait s’arroger le droit de privatiser toute la nature, tout le vivant et, pourquoi pas tant qu’on y est, toute l’humanité ? 

 

Que ceux qui contestent une telle assertion regardent ce qui se passe à Bruxelles et mettent le nez dans la façon dont les réglementations européennes sur les semences se mettent en place (voyez pour cela ma note du 11 juin). 

 

3 – On sait enfin (« Attendez-vous à savoir », disait la renommée Geneviève Tabouis) qu’il en sera de même très bientôt pour l’industrie chimique, à cause du Bisphénol A. Monsieur André Cicolella, de Réseau Environnement Santé, a beaucoup contribué à faire connaître le Bisphénol A. 

 

J’ai évoqué ici même le 4 octobre le cas du Bisphénol A, pour faire écho à la remise en question de la certitude héritée de Galien, l’ancêtre de la pharmacie, qui a légué à tous ses successeurs le dogme suivant : « La dose fait le poison », encore largement en vigueur dans les « milieux autorisés ». 

 

C’est sur la base de ce dogme que toutes les autorités sanitaires, depuis qu’elles existent, ont défini ce qu’on appelle un « seuil », ou « D.J.A. » (Dose Journalière Admise), au-delà duquel la santé humaine risquerait d’être affectée par un produit déterminé. Il semble qu'on s'achemine de plus en plus vers une formule plus proche de la vérité, du genre : « le poison fait le poison », quelle que soit la dose.

 

4 - Je ne cite que pour mémoire le négationnisme des industriels du tabac luttant par tous les moyens pour qu'aucune législation ne vienne limiter ou entraver leur commerce fructueux. Avec l'amiante, on a encore un autre exemple des efforts des industriels pour influer de tout leur poids sur les décisions politiques dans un sens favorable à leur activité.

 

Bilan d'étape, sans rire :

 

Ces trois branches industrielles, qui veulent continuer à prospérer financièrement, font tout pour empêcher que soient rendues publiques les nuisances éventuelles des innovations qu’elles vendent au prix fort. Elles redoutent que se fasse jour dans l’opinion publique, puis, plus gravement, chez les décideurs, la méfiance sur l’innocuité de ce qu’elles présentent comme des progrès indéniables. S’agissant de ces industries, ne serait-on pas fondé à parler d’organisations criminelles (qui mettent en circulation, sciemment et impunément, des poisons) ? 

 

Elles ont donc adopté systématiquement une unique stratégie pour peser de tout leur poids sur la puissance publique et retarder la fermeture du robinet à fric. Cette stratégie porte un nom. 

LA CONTROVERSE.

 

La trouvaille est géniale. Rien de plus démocratique et rationnel en apparence que l’arme de la controverse. Rien de plus malhonnête et pervers que cette arme entre les mains des avocats de ces industries. Car il faut distinguer le scientifique, en gros, un ahuri qui regarde surtout dans son microscope et dans son tube à essai, et le décideur (administratif ou politique), qui occupe une position comparable à celle d’un verrou : c’est lui qui a le pouvoir d’ouvrir ou de fermer le verrou. 

 

Le scientifique n’avance rien dont il ne soit sûr. Ça tombe bien, le décideur ne décide (dans la théorie bleu ciel, on suppose qu’il est honnête) qu’en toute certitude. Un seul cas est susceptible de retenir sa main d’agir sur le verrou. Vous avez deviné : c’est la controverse. Car si l’industriel réussit à planter dans le paysage de la certitude scientifique quelque chose qui ressemble à un doute crédible, la main du décideur, qui allait fermer le verrou sur le Bisphénol A, s’arrête en pleine action. Le décideur attendra la fin de la controverse. Dans dix ans ou plus. 

 

Ce n’est pas ici le lieu d’entrer dans la subtilité des raisonnements scientifiques et des arguments répliqués par les industriels. Je ne tiens pas à vous chasser par l’ennui chers lecteurs (on m’a dit de flatter pour attirer du monde). Pour rester le plus clair possible, et pour résumer l’excellent et complet article de Stéphane Foucart, dans Le Monde daté du 29, qui prend le temps, lui, d’entrer dans les détails, je me contenterai de schématiser les deux logiques qui s’affrontent. 

 

A ma gauche, sur le ring, les scientifiques [oui, c'est un ring particulièrement vaste], qui conduisent des recherches, obtiennent des résultats, publient ces résultats dans des revues. Bref, qui travaillent. Au fil du temps et des avancées, se forme ce qu’il faut appeler un consensus au sein de la communauté scientifique. 

 

C’est le cas à propos du Bisphénol A : tous les connaisseurs sont d’accord pour admettre que cette molécule a des effets inquiétants. Cela s’appelle le « consensus de Chapel Hill » (2006). Les quarante spécialistes en question affirment qu’ils ont établi quelques certitudes, c’est tout. 

 

A ma droite, sur le même ring, les belliqueux, je veux dire les industriels, ainsi que leur produit, le Bisphénol A, qui entre dans la composition d’objets largement commercialisés, donc qui génère des profits non négligeables. 

 

Pour eux, il est nécessaire de continuer à vendre ce produit pour que l’argent continue à entrer dans la caisse. Il est même nécessaire de continuer à tout prix, fût-ce celui de la santé des foules, à cause de tous les industriels qui ont besoin du Bisphénol A dans les marchandises qu'ils fabriquent. 

 

Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer sur le pré, en champ clos, les armes à la main. Il est donc logique que ces logiques entrent en guerre. En réalité, seuls les industriels veulent la guerre. La guerre n'intéresse pas les scientifiques : ils veulent juste établir un  savoir. Les industriels ne veulent pas savoir, mais accroître leurs avoirs. 

 

Et le moyen principal qu’ils ont trouvé, dans toutes leurs guerres contre la science et pour le profit, c’est d’introduire, pour anéantir le consensus scientifique, l’idée de controverse. La controverse, c’est l’idée magistrale ! Elle tient de l’art de la guerre chez les Chinois. Et c’est très efficace. 

 

Médiator, Mon 810, Bisphénol A, trois produits, une seule stratégie : la controverse. Notons en passant que c’est aussi la stratégie adoptée par les climatosceptiques qui ont jeté le discrédit sur les travaux du G. I. E. C. (réchauffement climatique). Mais il y avait aussi une sombre histoire, soi-disant, de "complot". 

 

Il n’y a pas de meilleure stratégie : si vous affirmez à grands coups de publicité que les scientifiques sont des cons, personne ne vous suivra. Autant vaudrait être la « vox clamans in deserto » (ouf, j'ai réussi à la placer, celle-là). Il faut être un peu plus subtil, et dépenser l’argent autrement.

 

Recette pour créer de la controverse :

 

Faites pratiquer en laboratoire indépendant des contre-analyses assez crédibles pour être prises au sérieux, et vous jouez sur du velours. Dans le cas du Bisphénol A, dit Stéphane Foucart, les contre-analyses « répondent à des critères très précis, dits "de bonne pratique de laboratoire" », dont le protocole, fixé dans les années 1950, est aujourd’hui complètement obsolète. Comme par hasard, c’est ce protocole qui sert de point de repère officiel au décideur. Mais allez faire saisir ces subtilités retorses aux téléspectateurs ! 

 

Mais comme le décideur n’a que ce point de repère, vous avez gagné une bonne grosse controverse, qui vous les fait gagner, vos dix ans de délai. Qu’au passage et en plus, il ait fallu distribuer des mensonges, des prébendes, des postes confortables (ça s’appelle « corruption »), si ça ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal. Et c'est moins voyant. 

 

La controverse est donc le nec plus ultra de la stratégie négationniste des industriels pour jeter le trouble dans les esprits, en particulier ceux des décideurs. Rien de mieux pour empêcher qu’une quelconque décision soit prise à l’encontre des intérêts des industriels. Rien de mieux pour paralyser un centre de décision. Car pendant que le décideur attend la fin de la controverse, libre à vous d’écouler votre saloperie sur les marchés. 

 

Pas d’affolement : vous avez tout votre temps. 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : en publiant ce billet (voir date indiquée), j'ignorais qu'allait être publié le formidable ouvrage de Naomi Oreskes et Erik Conway (éd. Le Pommier, 2012), Les Marchands de doute, qui confirmait mon analyse de manière éclatante et infiniment plus sérieuse, documentée et argumentée que je n'étais en mesure de le faire avec mes modestes moyens (ajouté le 11 avril 2018). 

lundi, 02 avril 2018

DOCTEUR, COMMENT VA LE MONDE ?

27 février 2018

Des nouvelles de l’état du monde (19).

(Voir ici billet 18.)

Nous en étions ici : le monde va de mieux en mieux, disent les indécrottables optimistes ; le monde va vers sa perte, soutiennent les insupportables pessimistes. Pour en finir avec cette lutte fratricide et savoir une fois pour toutes qui a tort et qui a raison, en homme de l’art consciencieux, nous prenons quelques températures et quelques tensions à droite et à gauche, dans l’espoir que l’ensemble des données sera un indicateur fiable.

Nous étions donc en présence d’un patient : le monde. C’est au nombre des alertes qu’on évaluera son état de santé, c’est à l’intensité de l’effort humanitaire qu’on mesure la violence qui s’abat sur le monde, c’est à l’intensité du bruit qu’elles produisent qu’on mesurera l’étendue de la prise de conscience, et c’est à la vitesse dont les trajectoires s’infléchissent et dont les corrections s’effectuent que l’on supputera les chances de guérison. Aujourd’hui, on parle de l’état de santé physique de la planète.

2 – Le symptôme planétaire.

Oui, bien sûr, il y a le réchauffement climatique. On sait. On sait tout, en fait. Et c’est ça qui effraie le plus : le pire, avec le réchauffement, c’est qu’on sait tout, et que ça ne sert à rien. Oui, on nous bassine avec le réchauffement, mais il n’y a pas besoin d’avoir vu Al Gore sur scène, dans son film Une Vérité qui dérange, actionner son élévateur de chantier pour mettre en évidence la radicale rupture de pente de la courbe montrant l’augmentation vertigineuse (en rythme géologique) de la courbe des températures moyennes.

Le réchauffement, aujourd’hui, on est largement au courant : il suffit de regarder ce que sont devenus en quelques dizaines d’années, rien que chez nous, le glacier d’Argentière, la Mer de glace, le glacier des Bossons, le glacier de Taconnaz. Et puis la banquise. Et puis le Groenland. Et puis les glaciers de l’Himalaya. Et puis l’Antarctique. Et puis les Maldiviens, à qui il arrive d'avoir de l’eau jusqu’aux genoux. Oui, on sait que des centaines de millions de gens habitant dans les régions littorales du globe seront chassés de chez eux : devinez l’ailleurs où ils essaieront d’aller vivre mieux.

Le réchauffement, aujourd’hui, on sait aussi que c’est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes extrêmes : ici des sécheresses toujours pires que les précédentes, là des inondations de plus en plus catastrophiques, ailleurs des cyclones, ouragans ou typhons de plus en plus dévastateurs, jusque sous des latitudes jamais vues auparavant (l’Irlande à la fin de 2017). Chez nous, espèces animales et végétales migrent vers le nord. Un effet secondaire parmi d’autres : certains vins de la vallée du Rhône se mettent à titrer couramment 14,5°, et l’on a commencé à planter des vignes au sud de l’Angleterre ! Le réchauffement, ça se voit à l’œil nu !

Des cris d’alarme, oh ça, il y en a eu ! Mais encore aujourd’hui, on peut appeler ça « Vox clamans in deserto » : il y en a eu, des Bernard Charbonneau, des Jacques Ellul, des Günther Anders, pour alerter sur les dégâts humains, sociaux et environnementaux qu’entraîne la civilisation technicienne, mais ces voix ont crié dans le désert. Les Amis de la Terre, La Gueule ouverte, tous ceux qui voulaient vivre autrement, on les prenait en général pour des agités du bocal, des illuminés, des communautaristes barbus retournés à la terre, des antinucléaires fanatiques, des Larzaciens antimilitaristes. Quarante ans après, on sait qu’ils avaient raison, les allumés !

Et s’il n’y avait que le réchauffement, ce serait moins pire. Mais on sait aussi, depuis Chirac, que « les emmerdes, ça vole en escadrille ». Parce que la « civilisation technicienne » forme un système cohérent, dont les divers aspects, qui n’ont en apparence aucun lien entre eux (je dis à ma main droite d'ignorer ce que fait ma main gauche, et pareil pour les pieds, les narines, les oreilles, les yeux, ...),  s’entendent comme larrons en foire pour produire des effets qui, loin de se contrarier, agissent de concert.

C’en est au point qu’on pourrait voir (rétrospectivement) dans toute l’histoire de notre si belle « civilisation technicienne » la simple histoire d'une destruction méthodique : à partir du moment où le propre, l’essence, le fondement, j’allais dire le destin de la civilisation s’incarne dans la technique, au point de s'y résumer, la limite de l’effort humain est abolie et les folies de l’homme peuvent alors se donner libre cours. Vue comme ça, l’histoire du « Progrès technique » après la révolution industrielle, c’est celle de la mise en œuvre d’une malédiction collective. L’histoire d’un suicide massivement consenti.

Ce n'est pas complètement faux : tant que la vitesse à laquelle on peut se déplacer n’est pas en mesure de dépasser celle du pas de l’homme ou du cheval (le vent sur mer), une nécessité absolue s’impose au monde, que nul génie de la technique n’a enfreinte depuis les origines. L’avènement du moteur (à vapeur, à pétrole, à ce qu'on veut) fait croire à l’humanité qu’elle est tout d’un coup entièrement et définitivement débarrassée de cette basse et humiliante contingence qui entravait ses ambitions. Comme dit l'autre, "Passées les bornes, y a plus de limites".

L’accélération constante de la vitesse à laquelle on se déplace abolit la frontière qui définit les limites de l’homme. Le moteur – multiplicateur de puissance – libère l’humanité de sa dépendance des forces naturelles. Avec le moteur, l’humanité n’en a plus rien à faire, de la nature. Le moteur, et avec lui l’alimentation en énergie, est une arme de destruction massive. L'homme se croit tout-puissant et fabrique une source d'énergie (le nucléaire) dont les dangers potentiels dépassent toutes les pauvres parades qu'il pourrait inventer pour en limiter les dégâts (Tchernobyl, Fukushima, et bientôt le site de Bure et ses réserves de radiations pour quelques milliers d'années à venir).

La différence avec toutes les époques qui ont précédé l'avènement de la société industrielle (vers 1750) est nette. Car si les activités humaines – mettons depuis le néolithique – provoquaient des nuisances, celles-ci (mégisseries, tanneries, ...), circonscrites dans un périmètre limité, n’avaient rien à voir avec ce qu’a apporté la production industrielle de biens destinés à satisfaire les besoins.

La notion de « besoin » elle-même s’est trouvée chamboulée : puisqu’on est capable de produire plus que le nécessaire (c’est-à-dire trop), grâce au moteur et à l’énergie, il est désormais nécessaire d’écouler la marchandise excédentaire, éveiller de nouveaux désirs, inventer des besoins. C’est le rôle de la publicité : susciter une consommation qui puisse justifier la production de biens en masse. Il faut se poser la question : « Qu’est-ce qu’on pourrait inventer qui puisse être vendu en masse aux masses ? ». Une façon de lancer la course désespérée à l’innovation la plus innovante.

Une société de gavés en même temps qu’une société de frustrés, puisque la limite du désir se situe toujours (un peu ou très) au-delà de l’envisageable. Même pas besoin de s’appesantir sur la marchandisation de tout, l’accumulation du capital et autres fadaises liées à la matérialisation infinie de la civilisation ou aux appétits de richesse : le franchissement indéfini des limites est inscrit dans la motorisation de l’espèce humaine. La saturation de l’espace disponible de la planète est inscrite dans la première révolution industrielle et dans la course à la production.

Tous les êtres et toutes les choses doivent être mis à contribution pour la grande marche vers le plus. Tout ce qui entrave l’augmentation et la croissance doit être combattu par tous les moyens. Tout ce qui permet de gagner en temps, en argent et en efficacité économique doit être privilégié. Tout ce qui est humain doit devenir fonctionnel, productif et lucratif, pour que l’humanité puisse un jour ressembler à la parfaite machine à produire. Tout ce qui est la Terre doit cracher des richesses.

Jusqu’à ce que mort s’ensuive. 

Il n'y a pas très longtemps (Le Monde, 14 novembre 2017), les scientifiques se sont mis à quinze mille (15.000) pour sonner le tocsin de l'urgence. 15.000 personnes qui savent de quoi elles parlent ont poussé un cri : il y a urgence !

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En 2011, les éditions La Découverte (+ Arte éditions) publiaient Notre Poison quotidien, de Marie-Monique Robin, celle-là même dont un documentaire célèbre ferraillait contre la firme tentaculaire Monsanto. L'auteur énumère dans son livre bourré d'informations tout ce que les industriels de la chimie s'entendent pour injecter dans ce que nous mangeons, végétal ou animal.

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En octobre 2017, François Jarrige et Thomas Le Roux vont plus loin (si l'on peut dire) : dans La Contamination du monde, une histoire des pollutions à l'âge industriel, ils disent (en très gros) que ce que nous appelons "pollution" n'est pas séparable de la mise en place de la production industrielle. Ils n'y vont pas de main morte, intitulant leur troisième partie "Démesure et pollution : un siècle toxique (1914-1973)". 

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C'est toute notre civilisation technique qui est dans l'erreur.

Voilà où nous en sommes : ça crie "Au fou !" de tous les côtés, et ça ne sert à rien. On sait tout. Tous ceux qui veulent savoir savent. Malheureusement, ceux qui savent n'ont aucun moyen d'action, et ceux qui pourraient faire ne veulent rien faire.

Alors docteur, comment va le malade ? Quel diagnostic au sujet du symptôme planétaire ?

samedi, 24 mars 2018

QU’EST-CE QU’UN ÉCOLOGISTE ? 3/4

19 octobre 2017

Des nouvelles de l'état du monde (3).

3

A part ça, aucun voyageur du train fou qui nous emporte ne pourra dire que le signal d’alarme était en panne : les sentinelles font leur boulot et ne cessent d’actionner la sirène. Ce qui inquiète, c’est plutôt qu’il n’y a pire sourd que celui qui refuse d’entendre, et que le signal d’alarme donne massivement l’impression de pisser dans un violon des Danaïdes, ce qui est, on l'admettra, peu convenable.

Après le consortium des scientifiques voués à ces recherches, véritables écologistes professionnels (au sens propre) et la foule des porte-voix et haut-parleurs de bonne volonté (essayistes et journalistes), vient la foule bigarrée, gesticulante et enfiévrée de tous les gens qui, ayant entendu hurler la sirène, se disent qu’il y a peut-être encore quelque chose à faire pour sauver la mise à l’humanité. Pour ceux-là, de deux choses l’une : soit ils mettent en application le précepte bouddhiste qui veut que, si tu veux transformer le monde, commence par toi-même, soit, mus par un altruisme fulminant qui se souvient du marxisme ("transformer le monde"), ils tournent leurs efforts vers l'extérieur et la réalité concrète. Les premiers sont des sortes de militants « au jour le jour » qui ne se laissent abuser ni par les mirages de la consommation, ni par les corps déjà faisandés des doctrines à la mode, se contentent de faire et de satisfaire leurs besoins, sans plus : ils sont les militants d'eux-mêmes, ce qui après tout n'a rien de déshonorant. L'avantage, avec eux, c'est qu'ils laissent toujours les lieux aussi propres qu'ils souhaitaient les trouver en entrant.

Mais il y a aussi et surtout les innombrables altruistes qui, ne se contentant pas de « penser global, agir local », s'enrôlent dans des entreprises (associations, ONG, ...) assez fortes, pensent-ils, pour faire passer les intentions dans la réalité. Ceux-là, soucieux de mettre en accord leurs principes et leur propre vie, n’hésitent pas à, comme on dit, s’ « engager ». Faisant preuve parfois d’un réel courage physique, ils s’enchaînent à des voies ferrées qui doivent voir passer un convoi de déchets nucléaires en provenance ou à destination de La Hague ; ou alors ils font irruption dans une parcelle expérimentale de l’INRA pour y faucher un essai de culture de maïs transgénique, avec le tribunal en ligne de mire ; ou alors ils occupent illégalement des terres cultivables et protégées, mais expropriées, pour empêcher la construction d’un aéroport international, au risque de s’en voir chassés à coups de bâtons par la maréchaussée ; etc.

Disons cependant que ces entreprises-là (Notre-Dame-des-Landes, Sivens, plateau de Bure, tunnel Lyon-Turin, etc.) sentent bien souvent l’amateurisme, l’improvisation, la fête, bref, l’absence d’une structure pérenne, d'une cohérence des motivations et d’une organisation à la hauteur de l’enjeu, capables d'en remontrer aux puissants et aux forces installées, voire de les faire plier (le souvenir du Larzac hante ces couloirs).  Il y a de l’artisanat, de l’insurrection, voire de la jacquerie dans ce genre de mouvement, autrement dit : du feu de paille (pas toujours). Les gens en face le savent, qui attendent avec un sourire carnassier les troupes envoyées par ces autorités spirituelles (« Le pape ? Combien de divisions ? »).

Tout autrement se présente la multinationale écologiste, genre WWF ou Greenpeace, qui lance des campagnes de « sensibilisation » à grands coups de publicité, de lobbying ou de démarchage de rue. Quelle que soit la noblesse de la démarche qui a présidé à la fondation de ces entreprises d’écolo-business, je leur ferai le reproche qu’on fait à toutes les grandes organisations : une part démesurée de la collecte des dons passe en général dans les frais de fonctionnement (personnels, locaux, administration, études spécifiques éventuelles, campagnes publicitaires), laissant les cacahuètes et les queues de cerises pour l'action proprement dite, ce qui laisse à penser qu’à partir d’une taille donnée, de telles entreprises sont vouées à travailler plus à leur propre perpétuation qu’au but qu’elles se sont fixé au départ. Des structures qui ne roulent plus que pour elles-mêmes, en quelque sorte, et où la part de moyens assignée à leur raison d'être initiale est de plus en plus réduite. Le genre de raisonnement qui m’a toujours dégoûté de financer l’UNICEF, par exemple, dont certains cadres en mission en Ethiopie avaient la réputation de vivre sur un pied de nababs.

L'allumé, le sérieux, le militant : voilà mon trio de tête des écologistes. Celui qui croit dur comme fer, celui qui sait de source sûre, celui qui agit à tout prix. De la conviction, de la volonté, du courage, de l'opiniâtreté, c'est certain, mais fort peu de pouvoir en définitive. Le grand mot est lâché : où que se tourne l'écologiste, il se heurte à un pouvoirA méditer. Je me demande en effet si le problème essentiel de la question écologique aujourd'hui n'est pas la relation que tous les pouvoirs en place entretiennent avec elle. Dans le tableau chiffré que se font les puissants (éminents capitalistes ou hauts dirigeants politiques) de l'horizon désirable et des objectifs à atteindre, l'état de santé de l'eau, des sols, de l'air et des hommes n'entre que très loin après la virgule, du côté de l'infinitésimal. 

A se demander si les pollutions actuelles ne sont pas tout bonnement le résultat logique d'un exercice du pouvoir, mais augmenté de l'énormité des pouvoirs de la technique, que le chef s'est appropriés pour les soumettre à sa seule volonté. Car la technique a des affinités naturelles avec le pouvoir, puisque ses effets sont essentiellement d'augmenter la puissance : depuis le simple outil primitif (l'homme du magdalénien moyen (-15.000 à - 10.000), se servait déjà d'un "propulseur" pour accroître la force de sa sagaie) jusqu'à nos machines les plus démesurées, la technique a servi à démultiplier le pouvoir de l'homme : tout objet technique recèle un pouvoir.

Quoi de plus évident que la technique soit mise au service de celui qui détient déjà un pouvoir ? De même, celui qui adopte un objet technique se soumet au pouvoir de celui qui l'a mis au point. Et moins l'utilisateur maîtrise l'objet, plus il en passe, contraint et forcé, par les volontés de celui qui l'a fabriqué, comme on le voit à la manière dont les millions de possesseurs de smartphones consentent à se laisser tondre sur le dos leurs données personnelles par des entreprises très avisées et très organisées : il est déjà là, le totalitarisme consenti.

A se demander aussi si la relation au pouvoir ne définit pas par nature l'écologiste-type : comme il ne tient pas à dominer la nature, mais à vivre en harmonie avec elle (« Maître et possesseur de la nature », dit au contraire Descartes), on peut en déduire que le pouvoir n'a pas d'attrait à ses yeux, et qu'il ne tient pas à l'exercer. Ecologie et exercice du pouvoir reposent sur deux visions du monde diamétralement opposées.

Voilà qui expliquerait la faiblesse intrinsèque des mouvements écologistes, partis "verts" etc. : un "parti" écologiste est autant un reniement de soi-même qu'une contradiction dans les termes, puisqu'un parti politique cherche, au minimum, à participer au pouvoir, et si possible à le conquérir. EELV (Duflot, Placé, Baupin et compagnie) s'y est brulé les ailes. Est-il envisageable de conquérir quelque chose que l'on ne désire pas ? Comment accéder au pouvoir quand on ne veut pas l'exercer ? La contradiction n'est pas mince : agir sur les choses (ici la protection de la nature) est impossible si l'on n'exerce aucun pouvoir. Si l'on ne veut pas du pouvoir pour soi-même, reste à faire en sorte d'amener la personne qui l'exerce à prendre les bonnes décisions. Voilà l'alambic où se distille la vie terriblement compliquée des écologistes.

Voilà qui expliquerait le spectacle des batailles de chiffonniers que les écologistes du parti "vert" donnent à la population chaque fois qu'ils se réunissent en congrès : chez eux, la relation au pouvoir est éminemment problématique.

Voilà encore qui expliquerait que les écologistes aient tant de mal à faire valoir leurs arguments face aux pouvoirs en place, et à faire prendre corps à leurs idées dans la réalité concrète, ce qui fait comprendre que la raison écologique soit si souvent vouée à l'échec. Les écolos, dans la perspective universaliste qui est la leur, ont en vue ce que je persisterai toujours à appeler l'« intérêt général ». Les pouvoirs en place (économiques, mais aussi politiques, bien sûr, vu qu'ils marchent ensemble) sont presque toujours animés par la volonté de défendre des intérêts au moins parcellaires (avec en vue un marché ou une réélection), le plus souvent carrément particuliers. Tiens, revoilà ce vieux tandem des frères ennemis "intérêt général / intérêts particuliers" ! Là, entre encore en jeu la relation que chacun d'eux a au temps : aux premiers, le très long terme, avec l'examen qui va avec, obligatoire et préalable, des conséquences possibles ; aux seconds, l’œil fixé sur le profit à tirer, qu'il soit immédiat ou prochain, pour le reste, c'est "on verra bien". Aux uns l'avenir, aux autres le présent. Le heurt est inévitable. Les deux camps sont a priori, comme les deux gauches selon Manuel Valls, "irréconciliables".

jeudi, 22 mars 2018

QU’EST-CE QU’UN ÉCOLOGISTE ? 1/4

17 octobre 2017

Des nouvelles de l'état du monde (1).

1

Il y a deux sortes d’écologistes : ceux dont la presse parle, parfois en abondance à la suite d'une action spectaculaire (Greenpeace à Cattenom, manif de brebis en plein centre de Lyon, ...), et, qui plus est, sous l’angle du conflit entre les « pro » et les « anti », du genre de ce qui nous fabrique de gentils « débats de société », dont nul n'a que faire mais qui permettent de passer le temps et de s'être trouvé pour un temps une raison de vivre, avant la suivante. Et puis il y a ceux dont on ne parle dans la presse « de référence » que sous forme de dossiers et d’articles plus ou moins digestes pour le vulgum pecus, qui ne feront jamais grimper l’audimat et qui, pour cette raison, ne seront qu’exceptionnellement mis en vedettes.

La « COP21 » de Paris en 2015 appartient à cette catégorie des exceptions qui confirment la règle : un événement soigneusement mis en scène, et devenu spectaculaire parce que les participants officiels le voulaient ainsi. Les vrais écologistes sont, on l'a compris, du côté le moins visible : à cette occasion, ils ont été noyés dans la masse et le protocole. Il est bien entendu faux de croire que tous les chefs d'Etat présents se sont convertis à l'écologie à cette occasion : il n'y a ni baguette magique, ni Saint-Esprit. D'autant que la COP21, si elle abordait le problème le plus global, laissait de côté d'autres problèmes, eux aussi cruciaux, au premier rang desquels l'empoisonnement du vivant avec les développements des industries chimiques.

Comment définir les premiers de ces écologistes ? Ce sont d’abord des emmerdeurs : leur premier objectif semble en effet de venir emmerder les diverses catégories d’individus qui ont affaire aux confettis de nature sauvage que la civilisation concède à l’exigence de « préservation de la qualité du milieu ». Les emmerdés, de leur côté, sont régulièrement, entre autres, les bergers. Le qualificatif d’écologistes, dans ce cas, repose sur l'exigence de réintroduction pour rebiodiversifier l'environnement. Ce sont eux qui ont tout fait pour que l’ours s’acclimate de nouveau dans les Pyrénées, plus récemment le lynx dans le Jura ou les Vosges (combien et par qui ces animaux ont-ils été payés ?). Ce sont eux qui se dressent contre les fusils des chasseurs quand ceux-ci font mine de vouloir tuer des loups, au motif que les bergers d’alpage se plaignent des terribles déprédations qu’ils commettent dans leurs troupeaux de brebis.

Soyons clair et net : ces « écolos » n’ont rien compris à la biodiversité qu’ils affirment favoriser. Ils croient être des défenseurs des droits de la nature. La biodiversité, ce n’est pas le loup dans les Alpes quel qu’en soit le prix à payer. La biodiversité, pour savoir ce que c'est, demandez à Gilles Bœuf, le bouillant professeur temporaire au Collège de France (chaire "développement durable") : c’est tout un système complexe de dépendances en chaîne : la façon dont s’organisent les innombrables éléments minéraux, végétaux et animaux qui font qu'il y a de la vie dans un environnement donné à un moment donné. Introduisez l’écrevisse américaine dans les rivières françaises, elle aura vite fait de déblayer le terrain à son seul profit. Le loup dans les Alpes ne fera jamais une biodiversité à lui tout seul. Médiatiquement parlant, le loup en France peut aujourd'hui, à la grande rigueur, passer pour un abcès de fixation destiné à détourner de l'essentiel l'attention du grand nombre. En vérité, écologiquement, le loup est aujourd'hui une nuisance.

C’est ainsi que, dans ses Mémoires, Saint-Simon évoque la chasse au loup que pratiquaient certains seigneurs de la cour de Louis XIV, dans la décennie 1700 ou un peu après, dans l’Orléanais, quand l’animal y était signalé faisant des dégâts. De même, c’est ainsi que, dans les régions d’Inde où pullulait le tigre, l’urbanisation galopante a restreint son aire de développement et que, comme le fauve s’en prend aux humains, ceux-ci se voient contraints de le pourchasser.

Le loup a disparu de France pour l’exacte même raison : les sociétés humaines ont partout étendu leur emprise, au gré de l’expansion industrielle et de la prolifération humaine, engloutissant dans un passé révolu tout ce qui préexistait, jusqu’à faire oublier l’entier du contexte naturel, historique et technique qui entourait la possibilité même de l’animal. C’est bête, hein, vous vous rendez compte,  tout ce qu’il faudrait désinventer, tout ce qu’il faudrait faire retourner au néant pour reconstituer à l’identique les circonstances d’avant la disparition ! Pour restaurer à l’identique le même système de relations, disons le mot : le même écosystème ! Et avec le même mode de vie que les Français de l’époque, odeurs comprises, s’il vous plaît ! Voilà qui s’appellerait « faire table rase ». Pour le coup, on aurait vraiment le « retour à la bougie ».

C’est dit : dans le fond du fond, ces gens-là ne sauraient en aucun cas être qualifiés d'écologistes. Il faudrait les inculper pour faux et usage de faux. La preuve, c'est que ce sont eux qui se rendent le plus visibles, à l'occasion de leurs actions. En réalité, la "nature" qu'ils prétendent défendre est une vue de l'esprit. Tout au plus sont-ils, contrairement à d'autres, d'authentiques réactionnaires : que tout soit comme autrefois (c'est la définition du mot). Mais je les soupçonne de vouloir garder, bien cachée au fond de la grange où ils viendraient de rentrer la fenaison (biologique) pour les bêtes cet hiver, une mobylette avec une bonne réserve de mélange deux temps (à 6%).

Soyons sérieux : ces écologistes en mie de pain rêvent tout éveillés. Ils rêvent d’îlots d'un passé irénique et idyllique, perdus dans l’océan d’un présent bouleversé, îlots qui seraient miraculeusement préservés du fracas de l'histoire en marche derrière la muraille infranchissable de leurs bonnes intentions, elles-mêmes inscrites dans la loi. Entre les loups et les brebis d’alpage, je vote brebis : en tant que carnivore, je n’aime pas la concurrence déloyale que me livre l’animal. Cette race d’écologistes se caractérise donc par un crétinisme qui serait inoffensif s’il n’était vindicatif et revendicatif. Avec eux, la pollution mondiale et le réchauffement climatique sont tranquilles, et peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

On observe cette logique policière de l’îlot miraculeusement préservé dans la démarche militaire de la maire de Paris, Anne Hidalgo, qui a décidé d’abolir le pot d’échappement dans un délai rapproché : d’un côté, on demande très poliment aux industriels les plus polluants s'ils verraient un inconvénient à ce qu'il leur faille réduire leurs émissions sales de 10% ou 20%, mais en leur accordant de larges délais pour se mettre aux normes (en attendant le climat climatique, il ne faut pas nuire au climat des affaires), pendant que de l’autre, on caporalise tout le reste de la population pour la faire marcher droit, et gare aux tribunaux pour les rétifs. C'est sans doute ce qu'on appelle l’écologie démocratique.

samedi, 05 décembre 2015

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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L'ESCORTE (N°28)

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COP 21

Le dilemme est d'une simplicité angélique : si Rodrigue venge son père, il perd Chimène. S'il veut garder Chimène, il perd l'honneur de son père et de sa famille, il se déshonore lui-même. Ayant perdu son honneur, il devient alors haïssable aux yeux de Chimène. Sale temps pour l'amoureux.

Même choix cornélien pour le changement climatique : ce sera la croissance ou la planète. Pas les deux. Personne ne sauvera la planète en sauvant la croissance. A Paris, ils sont tous à tortiller du croupion pour ne pas nommer l'obstacle, pour tourner autour de cette réalité. Ah, que le « Développement durable » est joli ! Ah, l' « Economie décarbonée » ! Ah, les « Energies renouvelables » ! Quels beaux contes de fées pour grands enfants ! Que de jolies fables n'inventerait-on pas pour éviter d'affoler les foules !

Quelques illuminés, stipendiés des entreprises transnationales, clament aux quatre vents que c'est de la technique que viendra le salut. Ils ont lancé le concept époustouflant de « Géo-ingénierie » : ensemencer les océans avec du fer, envoyer dans l'espace des particules de je ne sais plus quoi pour diminuer le rayonnement solaire, ....

Ils ont raison : une seule solution pour résoudre les problèmes engendrés exclusivement par la technique et l'industrialisation à outrance :

LA FUITE EN AVANT.

Surtout, ne changeons rien au système !

Allons, enfants de la planète, le jour de gloire est arrivé ...

jeudi, 03 décembre 2015

I'M A POOR LONESOME COWBOY

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LES DALTON SE RACHÈTENT (N°26)

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21ème "COnférence des Parties".

Autrement dit :

COP21

C'est entendu, tout le monde voudrait bien sauver la planète.

Mais petit problème : ceux qui ont quelque chose ne veulent rien perdre, et ceux qui n'ont rien aimeraient bien acquérir quelque chose.

Ne nous faisons pas d'illusions : les riches feront tout pour continuer à s'enrichir, les pauvres feront des pieds et des mains pour s'éloigner de la pauvreté.

Pendant ce temps, de quel droit exigerait-on des industriels qu'ils cessent de faire des affaires et le plus de profit possible ? Qu'ils cessent de polluer l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons, les sols qui nous nourrissent ? Qu'ils cessent d'empoisonner les hommes ? 

Autrement dit : personne ne veut décroître, tout le monde veut de la croissance. C'est l'incantation universelle.

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine : croissons ! Croissons !

Croassons !

CHERCHEZ L'ERREUR !

Pendant ce temps, la planète ... Quoi, la planète ?

QUELLE PLANÈTE ?

« C'est quoi, une planète ? - Bof, pas grand-chose : une boule dans l'espace avec de la vie dessus, de très très loin en très très loin. Et encore, on n'est pas sûr. Laisse tomber, ça vaut mieux. »